Dossier #2 : Bienfaits et Méfaits des Trophées

I. De l’intérêt de chasser le trophée

Du simple divertissement à une source de motivation inépuisable, la chasse aux trophées laisse parfois des souvenirs impérissables aux gamers. A nos yeux, les trophées peuvent avoir une utilité purement pragmatique voire composer des anecdotes amusantes. Dans la majorité des cas, ils permettent d’avoir un aperçu global des choix optionnels d’un jeu, ou de l’ensemble des mystères de l’univers inventé. Mais les trophées peuvent aussi représenter un véritable moyen de se surpasser. Ils font appel à la compétition, comme à l’entraide. Nous y trouvons tous du plaisir, de manière différente, et on vous explique pourquoi, avec quelques souvenirs de gamers à l’appui.

Quelques anecdotes amusantes

Même les joueurs qui ne se considèrent pas comme des chasseurs ont vu et entendu la notification parfaitement reconnaissable qui surgit, lorsqu’on débloque un trophée. Donnie Jeep se voit souvent diverti par la « surprise et le hasard de la découverte », quand Anthony y voit un intérêt plus pragmatique : « les trophées me permettent parfois de savoir où j’en suis dans un jeu s’ils offrent un trophée à chaque fin de chapitre. Particulièrement efficace quand on teste régulièrement des jeux avant leur sortie (et l’existence de tout guide donc) ! »

Bien que les trophées soient additionnels et facultatifs, certains développeurs font «  preuve d’ingéniosité dans le design et le nom des trophées ». C’est du moins l’avis de Tokhrane, surenchéri par celui d’Hauntya, qui s’amuse régulièrement du titre de certains d’entre eux : « certains trophées sont très drôles dans leur intitulé (ceux de Resident Evil (1996), notamment), ce qui donne envie de les décrocher. Parfois, ils peuvent même faire référence à des détails d’opus d’une même licence (Bioshock (2007), Silent Hill (1999)). » Donnie Jeep trouve également une dimension humoristique aux trophées : «  Le running gag « Marco Polo » initié avec Uncharted 2 (2009) puis prolongé à chaque fois sur les jeux suivants (et à chaque fois de manière différente et en plus corrélée à l’histoire). »

L’exploration globale du jeu

Mais au-delà d’intérêts purement anecdotiques, les trophées permettent aux joueurs de savoir où ils en sont dans leur exploration du jeu. Les jeux narratifs ou RPGs comme Detroit : Become Human (2018), Oxenfree (2016), Greedfall (2019) ou Erica (2019) possèdent plusieurs fins, souvent indiquées par la liste de trophées. Selon Hauntya, il est « toujours passionnant de voir toutes les branches narratives d’un jeu ! »

Le désir d’explorer un jeu vidéo de fond en comble est certainement ce qui motive le plus les chasseurs de trophées. Il y a quelques temps, j’étais moi-même une joueuse principalement motivée par l’expérience narrative proposée par un jeu. Hélas, j’avais parfois la fâcheuse habitude de rusher la quête principale, afin de pouvoir passer à un autre titre. Mon point de vue a changé, car je prends autant de plaisir (si ce n’est plus) à explorer le post-game, à passer au peigne fin les différentes zones du jeu, quand il ne s’agit pas carrément d’entreprendre un deuxième run, avec des objectifs différents. Aujourd’hui, je passe plus de temps sur chaque jeu, afin de les découvrir de manière plus approfondie, ou sous un autre angle. Par exemple, le dernier trophée Platine m’ayant marquée est sans doute celui de Dragon Quest XI (2017). Même s’il ne présente pas de difficulté exceptionnelle, il est très chronophage en raison des mini-jeux et du farming nécessaires. J’ai passé quelques 130 heures sur le titre, mais ce fut du pur bonheur. De manière plus anecdotique, je dirais que la chasse aux trophées m’a également réconciliée avec les sempiternels jeux de cartes des RPGs. L’apprentissage des règles et l’aspect chronophage étaient ma bête noire autrefois. Aujourd’hui, je suis bien contente de maîtriser le Gwynt (The Witcher III (2015)) ou le Triple Triad (Final Fantasy VIII (1999)) car ce sont des mini-jeux assez sympas. En terme d’exploration et de saveur, Hauntya semble partager mon avis : « Ce qui me motive le plus, c’est vraiment la sensation d’explorer les possibilités et subtilités imaginées par les créateurs. Et pour certains jeux que j’aime vraiment, c’est le sentiment de l’avoir exploré de fond en comble, découvert tous les secrets, détails ou fins alternatives. » Le trophée Platine ayant le plus marqué Hauntya est sans doute Gris (2018) : « Il ne peut être obtenu qu’en collectant des étoiles dispersées, donnant accès à un des souvenirs de l’héroïne. Le souvenir en lui-même est aussi poétique et beau que le jeu, et c’est le seul véritable indice narratif que nous pouvons trouver pour interpréter l’histoire, qui sinon reste abstraite. » Comme quoi, les collectibles peuvent avoir une utilité ! Je dirais même que les trophées sont parfois de véritables indices pour découvrir les secrets les plus enfouis ou émouvants du jeu. Anthony a une très jolie anecdote sur Spider-Man (2018) : « Il y a par exemple un trophée qui consiste à aller sur la tombe de l’oncle Ben, sans indication particulière sur son emplacement. Alors on essaie de repérer ce qui pourrait être un cimetière sur la carte du jeu, et on part à la recherche de la tombe une fois sur place. » Si Tokhrane et So-Chan éprouvent tout autant de plaisir à explorer de manière approfondie un jeu, ils soulignent l’importance d’être gratifiés pour cela. « De base, je suis une joueuse qui aime fouiller un jeu à 100%. Récemment je me suis éclatée sur Yakuza : Like a Dragon (2020) et j’ai veillé à accomplir toutes les quêtes secondaires et certains mini-jeux à fond même si aucun trophée ne réclamait de le faire. Simplement pour le plaisir, » confie So-Chan. Le déverrouillage des trophées apporte toutefois un sentiment de « fierté » chez Tokhrane, tandis que So-Chan considère cela comme un bonus félicitant « d’avoir accompli une action » ou qui donne l’idée « d’avoir écumé l’ensemble du jeu. »

Du besoin de surpasser ses limites

Les chasseurs de trophées sont parfois des amateurs de sensations fortes. Ils souhaitent outrepasser leurs limites avant de se sentir satisfaits. Si Mystic Falco adore l’aspect collection, il paraît surtout motivé par le fait de se surpasser : « On se dépasse par moment, pour réussir des choses que l’on ne se pensait pas capable de faire. » Le jeu Cuphead (2017) a poussé Mystic Falco dans ses retranchements mais il ne le regrette pas : « Je ne me pensais pas capable d’un tel défi, et pourtant j’y suis arrivé ! Non sans mal c’est sûr, mais je me suis défoncé pour y arriver et être allé jusqu’au bout m’a permis de me rendre compte que finalement je pouvais être capable de ce genre de défis assez costauds ! (Pour autant je n’irai pas me frotter à un Souls !) » So-Chan partage le même point de vue : « Certains jeux m’ont ainsi poussé à dépasser mes appréhensions sur mes capacités et c’est toujours flatteur de voir qu’on réussit quelque chose, même juste obtenir un trophée ! » Ju’, quant à lui, est motivé par l’idée de se lancer dans un « défi hard »: « Mon meilleur souvenir est lorsque j’ai platiné The Evil Within (2014). Le mode Akumu (cauchemar en japonais) est quelque chose qui m’a traumatisé et qu’il va falloir que je refasse si je veux l’avoir de nouveau sur mon compte. Le jeu est merveilleusement gore et affreusement dur mais la sensation que j’ai eu en le terminant dépasse tout ce que j’ai pu ressentir dans ma vie de joueur. » Il ajoute, à cela, une définition assez intéressante des différents types de chasseurs : « Je ne suis pas un « farmer » mais un collectionneur. La différence c’est que je ne ferais pas de jeu qui ne m’intéresse pas et dont le platine peut tomber en 15 min. J’ai besoin de défi, d’avoir un lien invisible avec le jeu, qu’il me prenne aux tripes ou qu’il débatte d’un sujet qui me plaît. Mais je m’égare. Je pense que ce qui me revient souvent en tête c’est de me dire que des gens iront sur ma collection pour regarder ce que j’ai et se diront : « Ah ouais mais lui il a platiné ça, ça, ça et ça, mais c’est des jeux qui sont giga durs et tout ! » Qu’ils viennent après m’en parler, qu’il y ait un échange autour de ces jeux là, et qu’ils repoussent également leur limite, qu’ils ne s’arrêtent pas à un pourcentage d’obtention, et qu’ils se disent. « Il y’a 0.3% des gens qui ont eu ce platine, et bien je vais en faire partie. » » Naturellement, le fait que les trophées obtenus apparaissent en ligne leur apporte une dimension sociale.

De la compétition à l’entraide

Si certains joueurs voient d’un mauvais œil la compétition potentiellement engendrée ; d’autres s’en amusent, comme Tokhrane : « Entre amis ou en famille, c’est toujours amusant de voir qui a réussi à aller le plus loin dans la chasse (ndlr : j’ai gagné sur TLOU par exemple, face à ma sœur). » Oui, eh bien, ne t’en vante pas trop ! Sachant, qu’en réalité, je suis assez fière de la performance que tu as réalisée, sans compter que l’on a passé un joli moment de complicité. Car non, la compétition n’est pas forcément néfaste. Certes, je suis très loin du Platine de The Last of Us (2013), mais ce désir compétitif de poncer le jeu m’a permis de le découvrir sous toutes les coutures, tant au niveau des collectibles, des discussions optionnelles que des différents niveaux de difficulté. Cette expérience m’a profondément marquée car elle a totalement bousculé mes habitudes de joueuse. Avant The Last of Us, j’étais terrorisée par les jeux d’horreur et surtout d’infiltration. Ce titre m’a montré que j’étais capable de venir à bout de mon stress ou de mes appréhensions vis-à-vis de l’infiltration ou même des gunfights. Il était essentiel de briser ces préjugés, car The Last of Us est maintenant une de mes sagas favorites. Nous parlons de compétition, mais la chasse aux trophées permet aussi de partager de jolis moments d’entraide, comme se le remémore So-Chan. Celle-ci a effectivement été membre d’une équipe de joueurs, afin de compléter les trophées en ligne d’Assassin’s Creed Brotherhood (2010). Les autres gamers l’avaient aidée alors qu’elle ne possédait pas de micro à l’époque : « Tous les échanges se faisaient sur le chan textuel de la PS3 et c’était assez long de passer du chan au jeu. Merci encore à tous ces joueurs fort patients ! J’ose peu souvent demander à des gens d’obtenir des trophées en multijoueur. Ce fut ma première expérience et très plaisante qui plus est ! » NicoFantasy est tout aussi motivé par la collaboration entraînée par les trophées : « Ce que j’aime par-dessus tout dans cette pratique, c’est le partage qu’on peut en avoir avec les amis. » D’ailleurs, ses meilleurs souvenirs sont issus de sessions multijoueurs sur Uncharted 2 (2009) ou d’opérations spéciales sur Call of Duty : Modern Warfare 2 (2009).

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11 réflexions au sujet de « Dossier #2 : Bienfaits et Méfaits des Trophées »

  1. Personnellement, les trophées, je les vois comme étant un challenge de plus à réaliser dans un jeu. Même si parfois, il m’arrive de m’aider sur le site officiel PSHTC, quand j’en débloque un par surprise, j’ai un sentiment de satisfaction. Le tout premier trophée de gagné est celui de Game Of Thrones de chez Telletale mais c’est un platine qu’on débloque tous quand on joue à ce jeu donc, je ne sais pas s’il compte réellement. Par contre, platiner Spyro (et encore je n’ai pas fini le 3), ça été satisfaisant !

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    1. J’ai moi aussi commencé par les Telltale, qui se font seuls. Mais c’est bien, ça donne progressivement le goût de la collection.. Bravo pour les Spyro ! Je les ai aussi complétés il n’y a pas longtemps. Et merci pour ton commentaire !

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  2. Merci encore pour ton invitation à donner mon avis sur les trophées ! Comme toujours, tu as fait un formidable travail d’analyse et de synthèse avec ce dossier, qui est passionnant à parcourir. Ça aide à comprendre bien mieux les motivations de certains pour les trophées, tout comme de voir que certains n’en sont tout simplement pas passionnés. Indéniablement, le trophée a un petit aspect social plus fort que je ne l’imaginais et qui est riche d’anecdotes. C’est fascinant de voir les réactions et ressentis de chacun sur ces trophées, leur diversité – et en même temps, ils aident aussi à nous lier en tant que joueurs !

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  3. Excellent article, le fait d’avoir plusieurs points de vue permet de voir que le sujet (dé)plait. J’ai commencé par les succès sur Xbox 360 avant de bifurquer sur les trophées après avoir eu la PS3. Du moment que leur obtention ne ruine pas l’expérience de jeu, c’est le principal. Je me souviens avoir dû faire FF X/X-2 avec une soluce à mes côtés car certains trophées ne pouvaient s’obtenir qu’à un moment précis de l’aventure (les pires). Je ne joue plus aussi bien aux consoles de Microsoft et Sony, la Switch m’occupant pas mal. Nintendo n’a pas succombé à la chose de manière générale. Super Smash Bros. proposait en quelque sorte cela avec des trophées à l’effigie des personnages de l’univers Nintendo à débloquer . Il est amusant cependant de voir qu’Ori et Cuphead sur Switch, sortis d’abord sur Xbox One, ont un menu lié aux succès.

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    1. Merci d’avoir pris le temps de lire et commenter ! Ah, les trophées manquables qui imposent de jouer avec la soluce à côté sont quand même un peu enquiquinants. C’est vrai que certains jeux Switch ont un système de défis « interne » !

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  4. Félicitations pour ce dossier (oui je suis très lente pour me mettre à jour). C’est toujours intéressant d »avoir différents avis sur une même thématique ainsi que les diverses expériences éprouvées selon les jeux et les habitudes de chacun.e. Qu’on les chasse ou qu’on les fuit, les trophées ne laissent personne indifférents. ça fait même bizarre de se dire qu’ils existent depuis aussi longtemps et qu’ils se soient aussi bien ancrés dans les habitudes des joueurs.

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