Le studio Supermassive Games, fondé en 2008, accéda à une certaine renommée avec Until Dawn, qui fut élu « meilleure surprise de la rentrée 2015 ». C’est aussi le studio à l’origine de The Quarry ou des jeux épisodiques appartenant à la série The Dark Pictures Anthology. S’ils ont des ambiances variées, tous ces jeux sont liés par le genre du survival horror, mais aussi l’aspect « film interactif », bien que je ne sois pas fan de ce terme, utilisé à tort et à travers de nos jours (certains l’utilisent même pour The Last of Us ou God of War…) En dépit de l’originalité de la formule initiale, ces jeux sont aussi – fort malheureusement – liés par des défauts, qui, faute de s’effacer avec le temps, s’enracinent dans les rouages de l’intrigue et du gameplay, au point d’en rendre le mécanisme à la fois usé et usant.
Hommage au cinéma d’horreur

Les productions Supermassive Games dont il est question dans cet article appartiennent au genre du survival horror. Généralement, les personnages sont prisonniers d’un endroit mettant leur vie en danger. Il ne tient qu’aux joueurs de les sauver, en faisant les bons choix. La caméra est fixe afin de maintenir une tension et une sensation de malaise. Chaque jeu s’inspire pourtant d’un sous-genre spécifique de l’horreur. Ainsi, Until Dawn rendait hommage aux slashers des années 90 et 2000, dans lesquels un groupe d’adolescents stéréotypés se faisait tuer progressivement. Celles et ceux ayant fait le jeu savent toutefois que l’intrigue prend ensuite un tout autre virage. The Quarry s’attaque plus vraisemblablement au mythe des loups-garous. Quant à The Dark Pictures Anthology, la première saison vient de se terminer et quatre titres sont sortis à ce jour. Man of Medan revisite la légende du bateau fantôme, Little Hope celui de la ville de Silent Hill, hantée par les souvenirs de sorcières sacrifiées ; de son côté, House of Ashes se déroule dans un vieux temple où surviennent des événements venus d’ailleurs, quand The Devil in Me, jeu le plus récent, préfère se concentrer sur un manoir piégé, où sévit un admirateur du tueur en série H. H. Holmes. Ainsi, il y en a pour tous les goûts et cela permet – en principe – d’éviter la sensation de répétitivité.
Gameplay semé d’embûches

Ces jeux ont tous, à peu de choses près, le même gameplay. Les joueurs contrôlent alternativement plusieurs personnages, qui ont la possibilité d’explorer les lieux, à la recherche d’indices sur la suite des événements. Certains objets permettent même de lire l’avenir. Les différentes phases de l’intrigue sont généralement divisées et commentées par un narrateur ou une narratrice. Dans The Dark Pictures Anthology, il s’agit du glacial et énigmatique Conservateur, incarné par Pip Torrens. La mécanique de gameplay la plus importante des jeux réside toutefois dans la possibilité de faire des choix de dialogue et d’action qui auront des conséquences, sur le fil de l’intrigue. Les scènes d’action se gèrent traditionnellement par un enchaînement de QTE. Il s’agit de jeux narratifs somme toute classiques, si on les compare aux titres Telltale Games ou Quantic Dream.

Malheureusement, le gameplay possède des lourdeurs qu’on peine de plus en plus à pardonner avec le temps. En haut de l’affiche, on peut mentionner les persos tanks, à la fois lents et rigides. Le studio essaie de rendre ses jeux plus dynamiques. D’ailleurs, les personnages de The Devil in Me peuvent désormais courir, franchir des obstacles ou utiliser des objets. Mais cela ne résout pas le problème des innombrables, longs et répétitifs couloirs à traverser. Les jeux de The Dark Pictures Anthology souffrent de sérieux problèmes de rythme. La mise en place de l’histoire et des personnages est deux fois trop longue, tandis que le final est souvent expédié très vite, au point de laisser un sentiment de frustration aux joueurs et joueuses. Plusieurs fins m’ont donné l’impression de finir en queue de poisson même si j’ai conscience que les mystères ne sont tout à fait résolus qu’en découvrant tous les secrets, et que cela apporte donc une certaine rejouabilité. Enfin, il n’est pas toujours aisé de se sentir investi(e), car les histoires et les personnages sont définitivement trop stéréotypés. Il est ainsi difficile de s’attacher émotionnellement à eux ou de vraiment se soucier de leur sort. Et ne parlons pas de la mise en scène, qui croit terroriser, en faisant des gros plans systématiques sur des cadavres aux orbites vides ou aux yeux exorbités… Supermassive Games fait volontairement des jeux qui rendent hommage aux clichés des films d’horreur, mais cela est si peu subtil que les titres en deviennent très caricaturaux.
Espoir et déception

Vous allez me dire : « pourquoi t’acharnes-tu donc à continuer à tester ces jeux ? » Eh bien, parce qu’ils possèdent des qualités malgré tout. En dépit de quelques soucis techniques, les graphismes des jeux Supermassive Games sont généralement impressionnants. Le développeur utilise la motion capture pour rendre ses personnages plus réalistes que jamais. A travers les différents jeux, on reconnaît ainsi une jolie palette d’acteurs et actrices, comme H. Panettiere, R. Malek, S. Ashmore, W. Poulter, D. Arquette ou encore T. Raimi. De plus, en dehors d’Until Dawn, ces jeux possèdent un mode multijoueur, en ligne ou local. Les soirées canapé me manquent tellement qu’il s’agit – à mes yeux – d’un vrai argument de vente. Du moment qu’on prend ces jeux pour ce qu’ils sont, et qu’on accepte de montrer une très forte suspension consentie d’incrédulité ; on peut parfois passer un assez bon moment. J’ai donc joué à chacun des titres proposés par le studio, dans l’espoir que celui-ci apprenne de ses erreurs et propose des jeux plus divertissants.

Malheureusement, Supermassive Games préfère – de loin – la quantité à la qualité. Alors que j’avais senti une évolution avec House of Ashes et même The Quarry, le studio est retourné dans ses vieux travers avec The Devil in Me. De quoi sérieusement user la patience des joueurs les plus tolérants. Il devient évident que la formule n’évolue pas et se renouvelle si peu qu’elle s’essouffle de plus en plus. Je ne peux décemment plus conseiller ces jeux, qui sortent tout de même une fois – voire deux fois – par an. The Devil in Me annonce la deuxième saison de The Dark Pictures Anthology, qui devrait débuter avec un jeu dans l’espace. Je ne suis pas sûre d’être au rendez-vous, cette fois-ci.
A mes yeux, c’est un potentiel gâché. L’idée est brillante, car j’aime énormément les jeux narratifs, surtout s’ils peuvent être faits à plusieurs, comme s’il était question d’un jeu de rôle. L’aspect survival horror promet une soirée particulièrement riche en sensations. Malheureusement, les défauts au niveau du gameplay, du rythme et de la narration sont si nombreux qu’on a l’impression de se retrouver devant le jeu pop corn de l’année. On ne sait plus trop pourquoi on y joue, si l’on oublie le fait qu’on désespère de trouver des titres proposant un mode multi local. Je ne fais plus confiance à Supermassive Games, mais je regretterai toujours que cette idée n’ait pas été mieux exploitée, ni reprise par un studio plus ambitieux. Quand on voit à quel point It Takes Two a été apprécié, on peine à comprendre pourquoi les aventures narratives jouables à plusieurs ne reviennent pas sur le devant de la scène.
Tu as malheureusement raison sur toute la ligne Flo… Until Dawn reste pour moi une référence du jeu vidéo, mais par la suite, Supermassive Games s’est clairement reposé sur ses lauriers. Comme tu le sais je ne m’occupe pas des jeux d’horreur sur JSUG, c’est Arnaud qui s’en occupe mais il tient le même discours que toi : laisser au studio le bénéfice du doute, lui donner une seconde chance malgré l’usure et la frustration qui s’installent.
Bon, je t’avoue que je me suis quand même pris The Quarry pour quand j’aurais une PS5. Je m’attends à une histoire très stéréotypée vu les personnages (LOL) mais je pense que je passerai quand même un bon moment dessus s’il est à la hauteur d’Until Dawn !
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Honnêtement, je ne suis pas sûre que The Quarry soit à la hauteur d’Until Dawn, mais tu devrais quand même trouver le moyen de te divertir. J’ai plus de doutes vis à vis de The Dark Pictures désormais… En tout cas, merci pour ton passage !
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Je n’ai testé que Little Hope et encore, ce n’était que la démo. Mais je n’ai pas été emballée… et de ce que tu en dis dans cet article, ça ne donne pas envie de découvrir ces jeux (sauf peut-être Until Dawn)
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Je pense en effet qu’Until Dawn reste le meilleur à ce jour. 🙂
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Je garde d’excellents souvenirs de Until Dawn qui jouait beaucoup sur les potentielles attentes qu’on pouvait avoir sur l’intrigue et sur tous les archétypes liés au genre du slasher movie. Ne serait-ce que les personnages qui sortent des clichés auxquels ils sont cantonnés dès le début comme Jessica qui est loin d’être la pom pom girl juste nunuche, Sam qui écope de la scène de la fille en serviette mais se défend et a de la jugeote, Mike qui va plus loin que le simple beau gosse… J’avais juste du mal avec Emily (un peu trop écrit comme étant la « biatch » du groupe) et Matt qu’on ne voit pas assez pour vraiment apprécier son évolution.
Ce qui est frustrant avec Supermassive Games c’est qu’ils ont des idées et des mises en scènes intéressantes mais j’ai l’impression que le format des Dark Pictures est trop court pour laisser le temps de développer récit et personnages. J’avais trouvé l’intro de Little Hope saisissante, jouant sur l’ambiguïté entre réalité et mysticisme qu’on perd après dans le jeu. J’aurais aimé que la conclusion reste sur ce double sens possible. House of Ashes m’a plu dans la révélation de la nature des ennemis du jeu et toute cette inspiration Alien (entre les formes et les couleurs). Je me tenterais sûrement Devil Inside à l’occasion, The Quarry est arrivé sur le PS + c’est parfait.
Comme toi c’est le côté jeu à plusieurs qui m’attire malgré tout, sans compter l’aspect narratif. Je crois que ça me rappelle les livres dont j’étais le héros où l’on créait notre récit selon nos choix. Mais le studio gagnerait tout à ralentir le rythme. Ils ont des idées mais ils faut qu’ils prennent le temps.
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J’avais aussi beaucoup aimé Until Dawn à l’époque. Depuis, j’ai tout de même connu des gens qui en avaient relevé les défauts, et j’ai moi-même fait beaucoup plus de jeux du style. Du coup, je ne sais pas si j’aurais encore le même avis. Mais comme toi, mes souvenirs sont très bons et il a quand même révolutionné les jeux narratifs, à sa façon. Comme tu dis, les Dark Pictures et les autres ont toujours des bonnes choses qui donnent envie de tenter l’aventure suivante. Mais il y a aussi et surtout toujours des éléments de frustration. Le rythme est si rapide qu’ils ne prennent pas le temps de vraiment se remettre en question ou s’améliorer. J’ai complété le questionnaire qu’ils ont fait il y a peu, mais les questions ne faisaient qu’effleurer de loin les vrais problèmes. Je reste aussi persuadée qu’il y a moyen d’améliorer le rythme ou la sensation de faire un jeu de rôle, ou chaque joueur répond vraiment à l’autre, notamment en permettant d’utiliser plusieurs manettes. Il faut bien avouer qu’il y a de longs moments où les autres joueurs regardent juste le film. Bref, pour moi c’est le prototype de bonnes idées.
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J’avais vu quelqu’un dans ma TL trouver certains propos cringe de la part des personnages. Après je pense que je garderais une affection un peu comme envers certaines œuvres qui ont vieilli mais qui arrivent pas à se séparer d’un certain charme (peut être la nostalgie qui fait ça).
Concernant les Dark Pictures, j’ai peur que le studio se soit emprisonné dans une boucle de production à la chaine à l’image de Ubisoft qui, dès qu’une formule fonctionne, la décline jusqu’à plus soif.
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