Comme vous le savez, je suis une très grande fan des jeux The Last of Us, dont vous pouvez retrouver une analyse de chaque opus (Part I et II), sur le blog. Il va de soi que j’attendais l’adaptation HBO au tournant. Après une entrée en matière sur des chapeaux de roues, avec un pilote particulièrement fidèle, puis des épisodes 2 et surtout 3 qui osent l’originalité ; The Last of Us revient avec les épisodes 4 et 5, dont nous allons débuter l’analyse tout de suite. Attention aux spoilers !
Rappel du cheminement du jeu

Les épisodes 4 et 5 de la série vont de pair car ils racontent le même arc narratif. Il s’agit de l’équivalent, dans le jeu, des chapitres 5 et 6, intitulés « Pittsburgh » et « La Banlieue ». Il s’agissait de passages très longs, en raison d’un nombre considérable d’adversaires, qu’ils soient humains ou infectés. Joël éliminait des ennemis à tour de bras avant de devoir explorer un hôtel avec Ellie. L’hôtel en question était un endroit crucial, car Ellie montrait à Joël qu’elle était capable de tuer pour lui, et surtout, le protagoniste se retrouvait piégé dans les sous-sols inondés de l’immeuble, où il lui fallait rallumer un générateur pour s’évader. Ce niveau en huis clos est probablement la source du traumatisme de nombreux joueurs et joueuses car infectés et Colosses se ruaient alors sur Joël. Le duo dézinguera pas mal d’autres types dans le Quartier des affaires avant de faire la rencontre d’Henry et Sam, avec qui ils quitteront enfin la ville. Ce n’était pas de tout repos non plus puisque la fuite dans les égouts était au moins aussi oppressante que celle de l’hôtel. Les quatre héros se retrouvaient très vite piégés par une horde d’infectés, au sein d’un nouveau huis clos. Le lotissement suivant aurait ressemblé à une promenade de santé si le quatuor n’avait pas été attaqué par une troupe de soldats, possédant un sniper puis un tank. La plupart de ces scènes d’action ont été coupées ou raccourcies. Au reste, le résultat est le même pour nos protagonistes. Maintenant que nous avons rappelé l’essentiel, nous allons pouvoir entrer dans le vif du sujet.
Épisode 4 : « S’il te plaît, tiens ma main »

L’épisode 4 de la série est véritablement une transition qui, à défaut de faire avancer l’histoire, prépare le terrain pour la suite et, par-dessus tout, renforce l’alchimie entre Ellie (Bella Ramsey) et Joël (Pedro Pascal). C’était évidemment nécessaire et crucial, puisque leur relation est au cœur de l’intrigue. Au cas où ce ne serait pas encore le cas, cet épisode renforce l’empathie que l’on peut ressentir pour Ellie. En dépit de sa fascination morbide (ou simplement immature) pour les armes à feux, Ellie est une adolescente intrépide, malicieuse et optimiste. Elle parvient à dérider Joël avec son fameux livre de blagues et cela n’est pas un mince exploit. Pour celles et ceux qui l’ignoreraient, les blagues pourries d’Ellie font partie des nombreux « objets » à collectionner dans le jeu vidéo. Et les références ne s’arrêtent pas là. Alors qu’ils roulent dans la voiture de Bill, Joël et Ellie écoutent la même chanson que dans le jeu, laquelle on avait d’ailleurs entendue dans le premier teaser de la série : « Alone and Forsaken » de Hank Williams. Ellie trouve par la même occasion un magasine porno gay avec lequel elle s’empresse de taquiner Joël. Cette scène est, elle aussi, très similaire à celle du jeu.

Le duo fait ensuite face à une embuscade qui met fin à leur petit road trip. Sans surprise, les ennemis sont moins nombreux que dans le jeu vidéo. Ils sont toutefois très réactifs. Un peu trop diraient certains, comme lorsque l’homme à terre supplie Joël de l’épargner, non sans pleurs et excès. Ces réactions très humaines des ennemis abattus évoquent celles des PNJs de The Last of Us Part II. Le but est de rappeler que les vies d’êtres humains sont en jeu, et que nos protagonistes – à commencer par Joël – ne sont pas des enfants de chœur. D’autres passages évoquent le cheminement du jeu, comme lorsque les deux anti-héros sont contraints de pousser et tirer des meubles, afin de se frayer un chemin à travers des pièces en ruine. Une fois n’est pas coutume, je ne peux que souligner la beauté des décors intérieurs comme extérieurs, d’autant plus qu’ils sont bercés par la bande originale impeccable de Gustavo Santaolalla. Quant à Joël, je commence – lui aussi – à le trouver attachant. Non seulement la série le présente comme un anti-héros, mais aussi comme un homme faillible, ne serait-ce que parce qu’il a plus de 50 ans. Cela fait un bien fou de croiser un protagoniste qui a ses propres limites, et qui n’enchaîne pas les scènes d’action sans présenter le moindre signe de fatigue. Par-dessus tout, Joël parvient enfin à se dérider et à s’attacher à Ellie, même s’il prétend encore que ce n’est qu’une « livraison ». Les deux personnages sont étoffés et j’apprécie la nouvelle alchimie régnant entre eux.

Même si l’épisode se veut plus léger, car Joël et Ellie plaisantent ensemble ; il prépare aussi le terrain pour la suite. Il introduit deux personnages inédits : Kathleen, la cheffe des rebelles incarnée par Melanie Lynskey et Perry, son lieutenant joué par Jeffrey Pierce. Pour l’anecdote, sachez que ce dernier prêtait sa voix à Tommy, le frère de Joël, dans le jeu vidéo. Le personnage de Kathleen me semble très caricatural. Il s’agit d’une cheffe rebelle qui se conduit de façon aussi terrible (voire pire) que l’armée contre laquelle elle lutte : la FEDRA. Elle a au moins l’utilité d’étoffer l’histoire d’Henry, en expliquant pourquoi le jeune homme est à ce point traqué. Il serait en effet impliqué dans la mort du frère de Kathleen. Cela permet d’explorer les thématiques de la fraternité et de la vengeance avant l’heure, mais pas avec la plus grande des subtilités, il est vrai. L’autre nouveauté – et mystère – de l’épisode concerne les tremblements de terre qui semblent surgir à Kansas City (car oui, l’histoire ne se passe plus à Pittsburgh). Ces rares nouveautés sont, comme je l’ai déjà dit, pas toujours très subtiles, mais elles sont du moins utiles, tant pour développer le lore du jeu que pour préparer le terrain de l’épisode 5.
Épisode 5 : « Endure and Survive »

Sans surprise, cet épisode met l’accent sur les deux frères : Henry (Lamar Johnson) et Sam (Kevonn Woodard). On en apprend plus sur l’histoire de ces deux nouveaux personnages. L’aîné est traqué par la cheffe des rebelles de Kansas City car il les a trahis et a provoqué la mort du frère de Kathleen. Si Henry a agi ainsi, c’est pour porter secours à Sam, atteint de leucémie. En plus de souffrir de leucémie, Sam est sourd et muet. Il ne souffrait ni de cette maladie, ni de ces handicaps, dans le jeu vidéo. Je n’ai pas envie d’accuser la série de chercher à remplir des quotas ou de vouloir faire facilement pleurer dans les chaumières. Mais je peux éventuellement reprocher des facilités scénaristiques. Henry avait besoin d’une raison pour trahir les siens et fuir. Il fallait rendre Sam plus vulnérable et attachant. Une fois encore, l’adaptation peut légèrement manquer de subtilité. Ceci étant dit, la surdité de Sam apporte une ambiance et quelques scènes magnifiques, et c’était bien l’effet recherché. Pour commencer, l’épisode est plus silencieux et permet de savourer les compositions de Gustavo Santaolalla. Ensuite, on angoisse pour Sam, qui n’entend rien dans un monde où le moindre bruit peut alerter un Claqueur. (Malheureusement, ce contraste n’est guère exploité). Mais le plus intéressant demeure l’ardoise magique dont se sert Sam pour s’exprimer. Cela entraîne quelques échanges remarquables, et une scène finale iconique. Sourd ou non, Sam est de toute façon adorable, non seulement grâce à son interprète mais aussi grâce à l’iconographie des super-héros qui l’enveloppe, tout au long de l’épisode. Le petit garçon est féru de justiciers, c’est pourquoi il en dessine partout. Pour l’encourager, Henry utilise du maquillage rouge pour peindre un masque sur le haut de son visage. La mise en scène fait encore preuve d’astuce car le même masque rouge se reflète sur le regard d’Henry, lorsque celui-ci surveille ce qu’il se passe dehors, avant de sortir de leur cachette. La thématique des super-héros ne s’arrête pas là, puisqu’un nouveau collectible du jeu fait son apparition. Il s’agit du comic book « Savage Starlight ». Ellie et Sam en sont fans, ce qui renforce leur amitié. Qui plus est, la citation de la bande-dessinée « Endure and Survive » donne son titre à l’épisode. Cette iconographie du super-héros n’est pas seulement présente pour sublimer Sam ou pour illustrer son amitié avec Ellie. Elle en dit long sur Ellie elle-même. Contrairement au jeu vidéo, Ellie révèle à Sam qu’elle est immunisée lorsqu’elle apprend qu’il a été mordu. Elle essaie de le sauver en appliquant sur sa morsure, son propre sang. Bien que cette tentative de sauvetage se solde par un échec, cela montre qu’Ellie a l’âme d’une sauveuse. C’est non seulement malin mais aussi très utile pour la suite des épisodes.

Cet épisode met aussi l’accent sur Henry, l’aîné. Son profil est davantage mis en parallèle avec celui de Joël. Tous deux veillent sur un enfant bien qu’ils ne soient pas leur père respectif. Ils sont prêts à tout pour défendre l’enfant en question, même si cela n’a aucun sens, comme se plaît à le souligner Kathleen. Comme vous le savez, je ne porte pas la cheffe des rebelles dans mon cœur. En pleine scène d’action, celle-ci entre dans un monologue de méchant, où elle explique ce parallèle sans subtilité, au cas où cela n’était pas suffisamment explicite. Heureusement, elle se fait vite dévorer par une petite infectée affamée. Je ne semble guère tendre face aux manques de subtilité mais je maintiens que The Last of Us est – jusqu’à présent – une adaptation très intelligente et solide. D’ailleurs, cet épisode 5 est excellent en tout point. Non seulement il parvient à rendre attachants des personnages inédits en à peine une heure, mais il sublime certains passages du jeu vidéo. Les scènes d’action et d’effroi sont plus rares, mais diablement plus marquantes ! Comme dans le jeu, Joël, Henry, Ellie et Sam décident de fuir la ville en passant par les tunnels. Bien que les décors soient très fidèles à ceux du jeu, ils n’y rencontrent aucun infecté. En revanche, la scène d’action de la banlieue est non seulement respectée, mais carrément intensifiée.

Le quatuor est pris pour cible par un sniper, que Joël s’empresse de neutraliser. Nos héros sont ensuite attaqués par les rebelles qui ne sortent pas de nulle part, puisqu’ils ont été introduits, dès l’épisode précédent. Alors que tout semble perdu pour eux, le tremblement de terre se fait de nouveau sentir et… un raz-de-marée d’infectés se jette sur les humains. Cette scène est très impressionnante visuellement, et emplie de tension. Non seulement les maquillages de Barrie Gower (Game of Thrones) sont très crédibles, mais la mise en scène apporte une plus-value, comme lorsqu’Ellie se retrouve prisonnière d’une voiture avec la petite infectée. Cela soit dit en passant, cet épisode permet d’avoir un aperçu des différents stades de l’infection. Un humain qui vient d’être contaminé devient un Coureur. Lorsque le champignon mûrit sur son visage, il devient un Rôdeur. Il peut alors se montrer plus sournois et agile. Le stade 3 de l’infection est le Claqueur, aveugle mais mortel. Et enfin vient le Colosse, qui semble protégé par une armure. Comme dans le jeu vidéo, il ne fait qu’une bouchée de ceux qui ont le malheur de se trouver sur son chemin. Au revoir Perry. On a trop peu vu le Colosse à mon goût, mais il n’en a pas moins marqué les esprits. En dépit de l’urgence de la scène, ni Joël ni la narration ne perdent le nord. Joël, armé de son sniper, n’a qu’une obsession : celle de protéger Ellie. C’est pourquoi cette scène d’action était non seulement haletante mais aussi virtuose.

Une fois n’est pas coutume, la fin de l’épisode est crève-cœur. Sam et Ellie ont une ultime discussion, où elle lui apprend qu’elle est terrorisée par l’idée de se retrouver seule, ou abandonnée. Sam ayant été mordu, il se transforme, dès le lendemain matin. Voyant qu’il s’en prend à Ellie, Henry lui tire dessus et le neutralise. Incapable d’accepter son geste, il se suicide en se tirant une balle dans la tête. Alors que la scène du jeu vidéo s’arrêtait brutalement, la série choisit de montrer la réaction d’Ellie, ainsi que l’enterrement des deux frères. Cela est moins percutant, mais probablement plus touchant. Ellie utilise l’ardoise magique de Sam pour décorer sa tombe et présenter ses excuses. Non seulement cela fait référence à la tombe d’un enfant que Joël et Ellie croisent, peu avant le barrage de Tommy, dans le jeu vidéo ; mais cela démontre aussi qu’Ellie considère qu’elle a échoué dans sa mission de super-héroïne. Elle risque aussi fort de souffrir du syndrome de la survivante. Il y a une fois encore beaucoup à dire sur cette adaptation, certes non exempte de défauts, mais tout de même extrêmement solide et bouleversante.
A suivre…
Bien que je me plaise à souligner quelques défauts et que la série amène trop peu d’effets de surprise à mon goût, je passe un excellent moment devant chaque épisode. Cela faisait longtemps que je n’attendais pas la suite d’une série, avec autant d’impatience. Et puis, objectivement, il ne faut pas douter qu’il s’agit de l’adaptation d’un jeu vidéo la plus respectueuse que nous ayons eue, jusqu’à présent. On se retrouve donc dans deux semaines pour parler des épisodes 6 et 7 de The Last of Us. Alors qu’il reste la moitié du jeu à adapter (6 chapitres de durée très variable, ainsi que le DLC « Left Behind ») ; la série ne compte plus que 4 épisodes devant elle. Au vu des titres ayant été annoncés, je ne doute pas qu’elle parviendra à finir de raconter l’histoire du premier jeu, et qu’elle le fera très bien.