The Last of Us (HBO) | Épisodes 8 & 9

Deux épisodes, c’est tout ce qu’il restait à The Last of Us pour clôturer l’adaptation du célèbre jeu vidéo. J’ai pu analyser l’ensemble des épisodes, sur ce blog, Vous pouvez d’ailleurs retrouver les articles en question sur la page suivante. Il est maintenant temps de s’atteler à l’étude de l’arc final, à travers les épisodes 8 et 9. Attention aux spoilers !

Une adaptation fidèle au défaut surprenant

Dans le jeu vidéo, une fois Joël blessé, Ellie se retrouve livrée à elle-même dans la station enneigée au bord du lac. C’est là qu’elle fait la rencontre d’un certain David. La jeune fille se méfie tout d’abord de lui. Néanmoins, lorsqu’il l’aide à repousser une foule d’infectés, elle lui accorde le bénéfice du doute. Nous-mêmes, joueurs et joueuses, imaginons qu’il peut être un allié passager, de la même façon que Tess ou Henry et Sam. Comme nous nous trompons… David se révèle être un ennemi redoutable, et plus monstrueux que n’importe quel infecté. Ce chapitre comporte des phases d’infiltration pleines de tension car Ellie, désarmée, est très vulnérable face aux sbires de David. En parallèle, Joël se réveille et part à la poursuite de l’adolescente, en éliminant les hommes de David, à tour de bras. Ellie ne doit toutefois compter que sur elle-même pour venir à bout du cannibale. Le combat est d’autant plus mémorable qu’il s’agit du seul véritable affrontement contre un boss, dans le jeu vidéo. Ellie doit se faufiler entre les tables du restaurant ; David étant alerté par le moindre bruit et se précipitant sur elle pour la tuer. C’est un passage traumatisant, tant pour les joueurs que pour Ellie.

Et puis le printemps vient. Joël, très attaché à Ellie, peine à lui rendre le sourire. C’est finalement la découverte des girafes qui y parviendra. Le duo n’est toutefois pas au bout de ses peines. Ils traversent un tunnel infesté d’infectés et même de colosses. Hélas, l’extrémité du tunnel est inondée et Ellie manque de se noyer. C’est à ce moment qu’un groupe de Lucioles les embarque à l’hôpital, sans ménagement. Là-bas, Joël apprend qu’ils doivent opérer Ellie au cerveau, s’ils espèrent concevoir un remède. Entre le salut de l’humanité et la survie d’Ellie, Joël fait rapidement son choix. Nous sommes alors les acteurs et actrices d’une fusillade dans l’hôpital. Après avoir tué Marlene, Joël ramène Ellie à Jackson, où il lui ment effrontément. Le jeu s’arrête assez brutalement, sur le visage à moitié convaincu de la jeune fille.

On peut aisément constater que l’histoire de la série est extrêmement fidèle à celle du jeu vidéo. L’adaptation d’HBO n’est toutefois pas exempte de défauts. Le découpage des épisodes pose des interrogations. Pourquoi l’épisode final est-il le plus bref de la série ? Une série n’est-elle pas supposée monter en crescendo ? Je gage que même les néophytes ont pu trouver la fin quelque peu rushée. Mais le défaut le plus surprenant de la série réside dans l’absence flagrante des infectés. J’étais la première à défendre la diminution de la violence ou l’économie de la présence des infectés. Si les raisons sont peut-être budgétaires, il faut avouer que cela peut faire monter la tension et les rendre plus terrifiants. Hélas, en dehors de deux malheureux infectés dans les flash-backs, Ellie et Joël n’en ont croisé aucun depuis l’épisode 5, avec Henry et Sam. Cela donne l’impression que le pays est traversé par très peu d’infectés. On en oublie l’un des composants de l’histoire et, ce qui me chagrine le plus, c’est que cela a un impact sur la narration. David ne gagne point la confiance d’Ellie en affrontant des infectés à ses côtés. Tout juste se contente-t-il de la baratiner, quelques minutes. De fait, la trahison semble moins terrible. Il est plus délicat d’en vouloir à Joël d’avoir détruit tout espoir de trouver un remède, dans la mesure où le monde ne semble pas tant en proie aux infectés que cela. Passons.

Épisode 8 : « When we are in need »

L’épisode 8 met en vedette David, brillamment interprété par Scott Shepherd. Il en épouse d’ailleurs un peu le point de vue, dans la mesure où l’épisode commence dans le groupe dont David est le pasteur et le guide. Bien que je regrette l’absence d’infectés, il faut reconnaître que le personnage de David est suffisamment développé et subtile pour rendre l’intrigue crédible. Ses apparentes foi et gentillesse ne sont que des ruses pour inciter ses « ouailles » à le suivre. Malgré sa prudence, Ellie se laisse elle-même baratiner par David, qui finit par lui révéler que Joël a tué l’un de ses hommes. Il va alors souffler le chaud et le froid avec l’adolescente, afin de la manipuler. Bien qu’il s’évertue à la garder en vie et à tenter de la charmer, le malaise est palpable. Certes, il y a un parallèle évident avec Joël, dont David est l’alter-ego. David veut servir de père de substitution à Ellie et il la porte, dans ses bras, de la même manière que Joël porterait Sarah ou Ellie elle-même. En outre, quand Ellie reproche ses actes à David, il lui demande si son « ami » n’aurait pas fait la même chose pour elle. Ce genre de parallélisme est toujours fascinant. Joël et David sont les deux faces d’une même pièce, ce qui implique, en dehors de leurs similitudes, des contradictions encore plus probantes. Ainsi, les intentions de David sont loin d’être innocentes. Il ne se contente pas de tuer des hommes, mais il nourrit son peuple avec leur chair. Comme si le cannibalisme ne suffisait pas, David ne se conduit clairement pas comme un père avec Ellie, à qui il fait des avances. Bien que le duel dans le restaurant incendié soit moins violent que dans le jeu vidéo, David y paraît encore plus monstrueux, dans la mesure où il essaie de violer l’adolescente. On comprend sans peine que, après avoir tué David, Ellie s’acharne sur son cadavre.

Sans surprise, Bella Ramsay est de plus en plus convaincante dans le rôle d’Ellie, au fil des épisodes. Lorsque Joël est blessé, c’est elle qui prend les choses en mains. Elle fait preuve d’une férocité surprenante mais nécessaire, pour survivre face aux sbires de David. En dépit de cela, on sent combien cet événement l’a bouleversée et traumatisée. Quant à Joël, il est plus effacé encore dans l’épisode que dans le jeu. Certes, il interroge les hommes de David et en tue quelques uns. Par ailleurs, il réconforte Ellie lorsqu’il la retrouve. Mais le duo part finalement assez facilement de la station, comme si le fait d’en avoir éliminé le leader était sans conséquence. Cela peut, certes, s’expliquer par le fait que les autres ouailles de David soient essentiellement des familles affamées. Enfin, il est impossible de clôturer cet avis sans parler de la présence de Troy Baker, qui incarne James, le bras droit de David. Troy Baker est ni plus ni moins l’interprète originel de Joël, dans le jeu vidéo. Et cerise sur le gâteau, on retrouve – en VF – le comédien de doublage français de Joël, dans le jeu, également : Cyrille Monge.

Épisode final : « Look for the Light »

L’épisode 9 débute par un flash-back inédit, qui se concentre sur la mère d’Ellie : Anna. Il est judicieux qu’elle soit incarnée par l’actrice d’Ellie, dans le jeu vidéo : Ashley Johnson. Il y a aussi un hommage à la comédienne de doublage française d’Ellie, dans le jeu, puisque la VF est assurée par Adeline Chetail. L’idée de faire apparaître Anna ne surgit pas de nulle part dans la mesure où il avait été envisagé de produire un DLC voir un spin-off sur la mère d’Ellie, dans les jeux vidéo. Cela ne s’est jamais concrétisé, du moins jusqu’à l’arrivée de ce flash-back, dans l’épisode 9. On apprend ainsi qu’Anna était sur le point d’accoucher avant d’être mordue par un infecté. Le bébé aurait donc été contaminé par l’intermédiaire du cordon ombilical. J’ignore si cela est vraisemblable, mais, de toute façon, je considère qu’il n’était pas nécessaire d’expliquer pourquoi Ellie était immunisée. Au reste, il demeure satisfaisant de faire la rencontre de sa mère, de comprendre sa relation avec Marlene, qui l’a achevée avant de recueillir Ellie ; et surtout d’assister à une scène assez émouvante. Notons qu’il ne s’agit pas du seul clin d’œil de l’épisode. En effet, l’une des infirmières qui s’apprête à opérer Ellie, chez les Lucioles, est incarnée par Laura Bailey. Il s’agit de l’actrice prêtant sa voix à Abby, dans The Last of Us Part II. Les connaisseurs et connaisseuses de l’histoire sauront qu’il s’agit d’une référence très subtile et fort bien placée.

Si l’épisode 8 se concentrait sur Ellie, l’épisode 9 suit davantage le point de vue de Joël. Force est de constater que, en dépit de passages survolés, la qualité de l’écriture et celle du jeu de Pedro Pascal rendent Joël merveilleusement ambivalent. Ainsi, il est extrêmement touchant dans la première partie de l’épisode. Il se conduit comme un père avec Ellie, à qui il tente de rendre le sourire. Après le passage des girafes, il est perceptible qu’il redoute de l’amener à l’hôpital, car il craint de la perdre. Contrairement au jeu vidéo, Joël a une petite cicatrice sur le visage dont il révèle enfin l’origine à Ellie. Il admet avoir tenté de mettre fin à ses jours, juste après la mort de sa fille. Ellie lui répond alors que le temps guérit toutes les blessures, mais Joël n’est pas de cet avis. Il sous-entend clairement que c’est la jeune fille qui lui a permis de guérir. L’amour qu’il porte à Ellie n’est pas totalement désintéressé car elle lui permet de finir son deuil, mais il n’en est pas moins puissant. Joël semble bien vulnérable et en proie à des sentiments très forts pour elle. On en éprouve une empathie d’autant plus affirmée pour lui. Et pourtant, la deuxième partie de l’épisode parvient à le montrer sous un tout autre jour. Lorsqu’il décide de porter secours à Ellie, Joël s’empare d’une arme et tue les Lucioles dans l’hôpital, à tour de bras. La scène est brève mais la mise en scène extrêmement percutante. Joël tue ses ennemis de façon impitoyable, même lorsqu’il sont désarmés ou tentent de se rendre. Les gros plans sur les Lucioles sans vie les désignent comme les victimes de l’histoire. La réorchestration sourde du thème musical rend la tuerie encore plus mélancolique. Joël a l’air d’un tueur de masse impitoyable, et non plus du protagoniste de l’histoire. Il n’a pas plus de pitié face au chirurgien, qu’il tue d’une balle dans la tête ; ni face à Marlene, qu’il achève afin qu’elle ne pourchasse pas Ellie. Enfin, lorsqu’ils se dirigent vers Jackson, Joël parle avec enthousiasme de Sarah, signe qu’il a enfin terminé son deuil, mais aussi qu’Ellie ne sert peut-être qu’à combler un vide. Pire que tout, il persiste à lui mentir, même quand elle lui demande de jurer de dire la vérité.

En dépit de l’absence handicapante des infectés, la série a capturé l’essence du jeu vidéo en explorant toutes ses thématiques. The Last of Us est une histoire d’amour entre une fille qui se construit et un homme esseulé qui, après avoir perdu son enfant, tente de faire son deuil, en veillant sur une adolescente. Comme le jeu, la série explore ce qu’il y a de plus monstrueux dans l’humanité, y compris lorsqu’il est question des héros. Et surtout, elle confronte les téléspectateurs et téléspectatrices à un dilemme. Qu’aurions-nous fait à la place de Joël ? Serions-nous prêt(e)s à renoncer à la personne que nous aimons le plus et à revivre un traumatisme dans l’espoir de sauver l’humanité ? D’ailleurs, le remède était-il vraiment viable ? Ou au contraire, aurions-nous choisi d’être justes envers et contre tout ? Aurions-nous été capables de tuer pour notre enfant ? Serions-nous prêt(e)s à mentir ? C’est sur ces interrogations que la série – comme le jeu – s’arrête brutalement. Joël a pris des décisions terribles et Ellie doit les subir, en dépit de son syndrome de la survivante et de ses propres convictions. C’est pourquoi l’histoire s’arrête de façon brutale, sur les notes de The Path. The Last of Us n’a jamais prétendu fournir des réponses, mais simplement nous confronter aux travers de l’humanité, repoussée dans ses pires retranchements.

Épilogue

L’histoire n’est de toute façon pas finie, puisque la saison 2 a déjà été confirmée. Les créateurs de la série ont assuré qu’il faudra plus d’une saison pour adapter The Last of Us Part II. Il semblerait aussi qu’ils envisagent de montrer plus d’infectés, à l’écran. En ce qui me concerne, je suis très impatiente de découvrir la suite de cette adaptation. En débit du manque de surprises, et surtout d’infectés, j’ai passé un excellent moment devant chaque épisode de la saison 1. La mise en scène, la qualité d’écriture et le jeu subtile des comédiens et comédiennes ont rendu l’histoire aussi prenante et bouleversante qu’on pouvait l’espérer. Les décors, les maquillages et la bande originale sont loin d’être en reste. Il s’agit donc presque d’un sans-faute pour cette adaptation d’HBO. Si vous voulez en savoir plus, je vous renvoie vers les analyses des jeux The Last of Us Part I et II.

The Last of Us (HBO) | Épisode 1

Si vous avez l’habitude de me lire, vous savez que je suis une immense fan des jeux The Last of Us, dont le premier opus est sorti en 2013, sur PlayStation 3. A moins d’être vous-mêmes prisonniers d’une zone de quarantaine depuis des années, il ne vous aura pas échappé que la chaîne américaine HBO a produit une adaptation du jeu. La série est chapeautée par Craig Mazin, le créateur de Chernobyl et Neil Druckmann, celui des jeux en question. Une telle collaboration promettait un projet ambitieux, et que j’attendais au tournant, surtout après avoir découvert la dernière bande-annonce.

Le 15 janvier dernier, le premier épisode de la série « When you’re lost in the Darkness », durant environ 1h20, est sorti aux États-Unis. Nous n’avons pas eu à attendre plus de 24h pour obtenir une diffusion française, et une VF, puisque The Last of Us peut être visionné sur Amazon Prime, sans surcoût. Si, comme moi, vous vous êtes précipités sur l’épisode 1, il est temps de revenir dessus ; afin d’analyser à quel point il peut être fidèle au jeu original, mais aussi et surtout comment il s’en détache, en bien ou en mal, mais aussi par la force des choses, puisqu’il s’agit d’un medium différent. La série est-elle plus à la portée des fans du jeu ou des néophytes ? Seul le temps le dira, mais j’ai déjà de nombreux points à évoquer.

Une série motivée par la fidélité

N’y allons pas par quatre chemins. La série s’annonce extrêmement fidèle au jeu original, au point que certains dialogues et certaines scènes soient des quasi copiés/collés. Faire une adaptation d’un jeu vidéo n’est pas un exercice aisé, surtout si l’on se réfère à un historique plutôt négatif. De nombreuses tentatives ne furent pas suffisamment fidèles au point de susciter la déception voire la colère des fans. Les jeux vidéo, portés au cinéma ou à la télévision, ont rarement brillé par leur excellence, même si les adaptations se multiplient depuis de nombreuses années. Aussi est-il compréhensible et bienvenu que Craig Mazin et Neil Druckmann aient choisi de demeurer loyaux à un matériau de base qui n’avait plus rien à prouver. Cela permet aux non gamers de découvrir une histoire bouleversante et aux autres de se laisser porter par la nostalgie.

Il faut reconnaître que la bande originale du générique a suffi à provoquer son petit effet, chez moi. Le thème du jeu est le même, à peine réorchestré. Ce n’est pas étonnant dans la mesure où on retrouve toujours, à la composition, le brillant musicien argentin Gustavo Santaolalla.

Pour rappel, le jeu compte 12 chapitres tandis que la série comptabilisera 9 épisodes. Le pilote s’étend jusqu’au tout début du chapitre 3, moment où Joel, Tess et Ellie quittent définitivement la zone de quarantaine, afin de se retrouver en ville. Le choix paraît logique dans la mesure où le premier épisode comprend le prologue et tout ce qui concerne l’exposition de l’intrigue ou des personnages principaux.

Le prologue en question est fidèlement adapté puisqu’il épouse le point de vue de Sarah, la fille de Joël incarnée par Nico Parker. Alors que nous la jouions au début du jeu, la série choisit de suivre ses péripéties, jusqu’à un certain point. L’intention est évidemment de laisser penser qu’il s’agit du personnage principal, avant que n’arrive l’irrémédiable.

La fidélité de l’adaptation est telle qu’il y a de nombreuses références, comme le tee-shirt identique de Sarah, ou la mention du film Curtis and Viper 2, dont Joël regarde le DVD, le soir de son anniversaire. C’est dans The Last of Us Part II qu’Ellie confie à son amie Dinah, que Joël est fan de ce genre de films.

En parlant de Joël, celui-ci est tout de suite présenté comme un survivant, prêt à tout pour se sortir des situations les plus désespérées. Il est brillamment interprété par Pedro Pascal (Game of Thrones, The Mandalorian) mais ce n’est pas franchement une surprise. Vingt ans s’écoulent après le prologue. C’est l’occasion pour les spectateurs d’aller à la rencontre de Tess, incarnée par Anna Torv (Fringe, Mindhunter) ou des Lucioles, présentées tantôt comme des terroristes, tantôt comme un groupe luttant contre la dictature militaire. La dirigeante des Lucioles est une dénommée Marlene, interprétée par Merle Dandridge, comme c’était déjà le cas dans le jeu de 2013. Enfin, on retrouve une Ellie a priori indomptable et donc fidèle à elle-même, en la personne de Bella Ramsey, qui s’était déjà faite remarquer dans Game of Thrones. Par la force des choses, Joël et Tess sont contraints d’escorter Ellie en dehors de la zone de quarantaine. Le fil rouge est sensiblement le même, au risque de ne réserver que peu de surprise à ceux qui – comme moi – connaissent parfaitement le jeu. On peut légitimement se demander quelle plus-value va apporter l’adaptation au support originel. Heureusement, il existe déjà un certain nombre de différences.

Quelques points discutables

J’admets ne pas être convaincue par l’intérêt ou le bienfait de certaines de ces différences. Était-ce bien utile d’expliquer comment Sarah s’était procurée la montre offerte à Joël, pour son anniversaire ? On peut aussi être déçus par le traitement de Robert, qui était le premier adversaire – certes anecdotique – du jeu. Il n’apparaît véritablement que lors d’une scène, où il paraît bien ridicule face à Tess. Il se fait ensuite tuer par les Lucioles. Quoique discutable, il faut reconnaître que le choix est stratégique. La série a tant à raconter qu’on lui pardonne aisément de faire l’impasse sur l’altercation entre Joël, Tess et les hommes de Robert. De plus, ce qui fait office de niveau pertinent dans un jeu vidéo ne sera pas forcément approprié dans une série télévisée. Il est aussi plus explicite que Joël et Tess sont ensemble, puisqu’on les aperçoit dormir dans le même lit. L’information n’est pas dérangeante, quoique peu nécessaire.

Enfin, ce qui étonnera le plus les fans, c’est qu’il n’y a pas de spores contaminants et nocifs, dans la série. Les créateurs du show ont confié qu’ils préféraient utiliser les vrilles, comme moyen de contamination et de menace, afin de rendre la série plus effrayante. Pour rappel, les vrilles sont les tiges qui permettent aux plantes grimpantes de s’agripper aux murs. J’imagine qu’on les aperçoit dans le générique ainsi que dans la bouche de la vieille voisine, au début de l’épisode 1. Ma théorie est qu’il était pratique de se passer de spores, ou de masques à oxygène, afin de garder l’image plus lisible, et de ne pas toujours cacher le visage des comédiens, lors des scènes d’action. Voilà les seules différences m’ayant interpellée, plus que véritablement gênée. Autant dire que ce premier épisode n’a que peu de défauts, si ce n’est aucun.

Le développement de l’histoire et des personnages

D’autres différences sont bienvenues et même très pertinentes. Ainsi, la série débute par une introduction inédite où des savants expliquent ce qu’il se passerait si, en cas de réchauffement climatique, le champignon Cordyceps se mettait à parasiter des êtres humains plutôt que des insectes et araignées. Le prologue est aussi plus long que dans le jeu. Il prend le temps de raconter comment s’est déroulée la dernière journée de l’humanité, avant l’apocalypse. Cela apporte des informations mais permet aussi de s’attacher au personnage de Sarah, et de partager la peine de Joël.

L’épisode 1 a l’intelligence de ne montrer que peu d’infectés, pour le moment, et aucune créature, à l’exception du rôdeur mort contre le mur. Le suspense engendre une tension, comme lorsque Sarah cherche un DVD, dans l’étagère de ses voisins. La vieille dame handicapée est alors floutée, en arrière plan ; et l’on se rend compte qu’elle esquisse des mouvements étranges et saccadés. L’angoisse. Sarah ne reste pas chez elle quand tout dérape mais choisit d’aller voir ces mêmes voisins. Alors, on salue la référence faite au premier jeu Resident Evil, lorsque la vieille infectée dévore une dépouille, avant de relever la tête vers l’adolescente.

Parmi les autres nouveautés, l’intrigue ne se déroule pas en 2033 mais en 2023, tout simplement pour rendre la série plus actuelle. Un enfant inconnu arrive dans la zone de quarantaine où vit Joël. En s’apercevant qu’il est infecté, les forces de l’ordre décident de l’euthanasier. Cette scène inédite laisse comprendre la dureté de ce monde post-apocalyptique mais aussi la valeur d’Ellie, qui ne souffre d’aucun symptôme, des jours après sa morsure. La jeune fille est d’ailleurs introduite plus tôt que dans le jeu vidéo, puisqu’on la voit prisonnière de Marlene, avant qu’elle ne soit remise à Joël et Tess.

Quant à Joël, bien qu’il paraisse toujours aussi brut de décoffrage, il s’annonce peut-être plus humain que dans le jeu vidéo. On sent qu’il est très proche de son petit frère Tommy, incarné par Gabriel Luna. S’il a pactisé avec Robert, puis avec Marlene, c’est d’ailleurs pour obtenir une batterie de voiture, afin d’aller vérifier si son frère va bien. Joël semble assurément plus protecteur même si sa rencontre avec Ellie se passe mal et qu’il demeure un homme froid, traumatisé par la mort de sa fille, comme en témoigne sa hargne contre le soldat qu’il passe à tabac. En d’autres termes, la série prend le temps de développer l’histoire et les personnages, et c’est un vrai bonheur.

Une adaptation réfléchie et efficace

Enfin, d’autres nouveautés s’expliquent simplement par le fait qu’il s’agit d’un medium différent. Le premier épisode doit tout naturellement poser des pistes et des bases pour la suite. Compte tenu de la future importance de Tommy, il est crucial qu’il soit introduit assez tôt et qu’on insiste sur le lien unissant les deux frères. Je m’interroge davantage sur l’importance du plan où Sarah contemple un couteau, avec une lame gravée. Cet objet aura-t-il une utilité par la suite où ne s’agit-il que d’un parallèle émis avec Ellie, qui se défend elle-même avec un couteau ? On en apprendra davantage dans les prochains épisodes.

On comprend très tôt que Joël est un anti-héros, puisqu’il fait affaire avec les uns, et semble redouté par les autres, dans la zone de quarantaine. Il semble insensible et même opposé à la propagande mise en place par les Lucioles. Marlene fait par ailleurs mention de Riley, à Ellie, signe que les événements racontés par le DLC Left Behind seront pris en compte dans la série. Ce n’est évidemment pas une surprise pour ceux ayant regardé les bandes-annonces. Pour finir, Ellie s’aperçoit que Joël est en communication avec Bill et Frank. On peut supposer et espérer qu’on verra les deux hommes ensemble, dans la série, alors que Bill était déjà seul, lorsque Joël le retrouvait pour la première fois, dans le jeu vidéo.

L’épisode se termine avec un plan large sur les bâtiments en ruine de la périphérie, où les joueurs ont des souvenirs cuisants. Le danger est aussi annoncé aux néophytes puisque retentit une musique des années 80, dans la radio utilisée par Bill. Si l’on se réfère au code décrypté par Ellie, cela est annonciateur de problèmes. J’ai trouvé la fin un peu abrupte et sans chute véritable, mais il ne s’agit après tout que d’un épisode d’exposition. Et puis, sans doute voulais-je en voir plus, tout simplement. Vous l’aurez compris, je valide complètement le pilote de The Last of Us, et il me tarde d’être à lundi prochain, pour découvrir la suite. Je gage que la série saura contenter les fans les plus assidus, tout en restant à la portée de ceux découvrant l’histoire pour la première fois.

J’ai le projet de poster un article par semaine, sur le blog, afin de continuer les articles ordinaires, en parallèle des chroniques de cette série. On se retrouve donc jeudi prochain pour un article traditionnel, et le jeudi 2 février pour revenir sur les épisodes 2 et 3 de The Last of Us. Enfin, retrouvez les analyses de The Last of Us et de The Last of Us Part II, sur le blog.

Resident Evil | L’enfer est pavé de bonnes intentions

A la fin des années 90, je découvris – comme beaucoup d’autres – une saga vidéoludique qui allait profondément marquer ma vie de joueuse. Resident Evil est un survival horror dont les premiers opus demeurent terrifiants, encore aujourd’hui. Probablement pas aussi terrifiants que les différentes adaptations qu’on a pu en faire jusqu’à présent, je te l’accorde. Si tu as atterri ici, c’est que tu te demandes si le mauvais sort a été rompu. Cette question n’attise pas ta curiosité au point de te déplacer toi-même au cinéma, mais qu’importe ! J’ai vu Resident Evil : Bienvenue à Raccoon City, pour toi. Ce long-métrage est sorti le 24 novembre dernier. Guère promu, ses premières images – en particulier les costumes des personnages – n’étaient pas forcément convaincantes. Pourtant, cette nouvelle adaptation a été réalisée par un fan de la saga : Johannes Roberts. Dès 2019, le réalisateur britannique promettait un film plus fidèle aux jeux dont il était inspiré. Il promettait également une expérience viscérale, terrifiante mais aussi humaine, prenant place dans une ville américaine mourante.

Resident Evil : Bienvenue à Raccoon City est-il à la hauteur de ces ambitions ou n’est-il finalement qu’une parfaite illustration de l’adage : l’enfer est pavé de bonnes intentions… ?

Raccoon City : à mi-chemin entre Silent Hill et Derry

J’ai tout d’abord passé un bon moment devant Resident Evil : Bienvenue à Raccoon City, lequel porte décidément bien son nom. Le film peut être présenté comme une origin story, entrelaçant les histoires des deux premiers jeux de la saga. De fait, nous sommes amenés à passer une nuit blanche aux côtés de Jill et Chris, mais aussi de Claire et Leon.

Force est de constater que le cadre spatio-temporel du long-métrage est bien maîtrisé. La narration est rythmée par les heures qui passent, au point de créer un effet de compte à rebours. Dans Resident Evil, l’objectif principal est après tout de rester en vie jusqu’à l’aube. L’ambiance de Raccoon City est, quant à elle, très immersive, grâce à la reconstitution de décors emblématiques des jeux, mais aussi d’une musique tout à fait appropriée. Si tu aimes la saga, tu seras probablement ravi(e) d’apprendre que certains lieux phares sont mis à l’honneur, comme le Manoir Spencer, le Commissariat mais aussi l’Orphelinat de Raccoon City. La ville elle-même a sa personnalité propre. Raccoon City est considérée comme une cité fantôme, peu à peu désertée par tous ses habitants. Or, ceux qui restent tombent de plus en plus malades. A mi-chemin entre Silent Hill et Derry (ville fictive inventée par Stephen King), Raccoon City devient une cité lugubre, rongée par un mal ancestral, et dont on rêve de s’échapper, avant même que la situation ne devienne incontrôlable. Le point fort de cette adaptation est probablement de donner de la consistance à la ville comme à ses habitants. Ils instaurent un malaise, avant même d’être totalement corrompus par les fautes d’Umbrella.

Une origin story inégale

Resident Evil : Bienvenue à Raccoon City est une adaptation libre, dans laquelle les deux premiers jeux s’entrelacent et où les personnages ne sont pas toujours tels qu’on l’imaginerait. Claire et Chris Redfield ont grandi dans l’orphelinat de Raccoon City, sous la tutelle d’un certain William Birkin. L’adaptation est libre, mais fidèle. Cela n’a rien d’antithétique.

On peut aisément qualifier le film de fan service ambulant mais la plupart des références sont bien menées ou très efficaces. Certaines sont évidentes, comme la mise en scène de l’apparition du premier zombie du Manoir Spencer, ou le gros plan sur la serrure d’une porte ; d’autres sont plus subtiles et s’adressent aux joueurs et joueuses les plus fidèles. Personnellement, j’ai été très agréablement surprise par les places accordées à Lisa Trevor (un personnage propre à Resident Evil Remake) et à Brian Irons (le chef du commissariat). C’était d’ailleurs un plaisir de retrouver Donal Logue (Vikings, Gotham), dans ce rôle.

Malheureusement, les quelques atouts de Resident Evil : Bienvenue à Raccoon City constituent aussi l’origine de ses défauts. Il était impossible de condenser, en un seul film, l’intrigue et l’ensemble des personnages de deux jeux. Il était impossible de proposer autant d’exposition, en seulement 1h47, et de tenir la route jusqu’au dénouement. D’ailleurs, certains défauts émergent dès le début, et ne font que s’aggraver au fur et à mesure que le récit progresse.

Une caractérisation discutable des personnages

Si le long-métrage semble souffrir d’un manque de budget, surtout au niveau des effets spéciaux ; son problème majeur réside dans l’écriture du scénario, trop précipité vers la fin, et surtout celle des personnages. La plupart des personnages de la franchise sont présents, mais si différents, physiquement ou moralement, qu’il serait difficile de les identifier si leurs noms n’avaient pas été prononcés plusieurs fois. Ainsi, Jill devient un personnage secondaire dont la seule caractéristique est qu’elle est une folle de la gâchette. Serait-ce parce qu’elle trouve un pistolet avant Chris, dans le jeu original ? Non, c’est tiré par les cheveux. Il est vrai que les jeux n’ont pas la réputation de dépeindre un portrait moral bien précis de leurs protagonistes, mais je n’imaginais pas fondamentalement Chris comme un soldat borné, aveuglé par la conspiration d’Umbrella, au point de tourner le dos à sa sœur. (Encore que, cela peut être expliqué par le scénario). Il n’y a malheureusement que peu d’alchimie avec Claire, qui a pourtant toujours eu pour vocation de sauver son frère. Simple civile, parmi une équipe de flics et de soldats formés, Claire est paradoxalement la survivante la plus badasse. En parallèle, Leon est réduit au triste rang de comique de service. Le jeune flic est dépeint, pendant la majorité du film, comme un idiot doublé d’un incompétent, au point de ne pas se réveiller, quand un camion prend feu devant la porte du commissariat et qu’un zombie s’en échappe, initiant une marche embrasée vers lui.

Hélas, les personnages sont si nombreux qu’ils apparaissent peu à l’écran. De fait, chacun ne possède qu’une seule caractéristique et aucun ne parvient à tirer son épingle du jeu. Certains choix sont discutables, comme le fait d’introduire Sherry, qui ne devient qu’une simple figurante. D’autres le sont moins, comme celui d’humaniser Wesker, et de ne pas faire de sa trahison un point culminant de l’intrigue. Après tout, nous sommes déjà au courant ! William Birkin est lui aussi intéressant du moins… Jusqu’à sa transformation en Tyran.

Je pense que c’est à ce stade que le long-métrage a cessé de faire tout effort, pour devenir pleinement le nanar que nous attendions.

Sus au virus N(anar)

Malheureusement, Johannes Roberts n’aura pas tenu toutes ses promesses. Le film est fidèle aux jeux. Certes. Les références sont délicieuses, du moins quand elles sont maîtrisées. Mais Resident Evil : Bienvenue à Raccoon City n’a rien d’effrayant. Certaines scènes instaurent une ambiance intéressante, surtout au début, néanmoins le long-métrage devient grotesque, au moment même où est il censé impressionner. L’apparition du Tyran est un réel échec.

Au final, puis-je conseiller Resident Evil : Bienvenue à Raccoon City ? Le film est si peu exempt de défauts que je ne peux décemment t’encourager à aller le voir au cinéma. Toutefois, il pourrait, à l’avenir, assurer une soirée télé divertissante. Si tu es fan de la franchise, tu prendras un savant plaisir à reconnaître les différentes références, glissées ici et là. Et, à défaut d’avoir peur, sans doute en riras-tu. De toute évidence, ce reboot était animé par de meilleures intentions que les films de Paul W. S. Anderson. Hélas, il n’offre pas un souvenir beaucoup plus impérissable… Comme je le disais tantôt, l’enfer est pavé de bonnes intentions… Reste à savoir si le prochain projet Resident Evil, imaginé par Netflix, fera office d’antidote.

(Ceci dit, quand on sait qu’on partait de cela, on pourrait être plus indulgents !)