A Way Out & It Takes Two | Une ode à la coopération

Je n’ai pas l’habitude de m’appesantir sur les « réalisateurs » de jeux vidéo, lors de mes articles. Sans doute est-il temps de bousculer les habitudes avec Josef Fares. Connu pour ses déclarations excentriques et parfois présomptueuses, le créateur libano-suédois ne manque pas d’inventivité, comme en témoignent les trois jeux sur lesquels il a travaillé. Brothers (2013) est un jeu solo mettant l’accent sur la relation entre deux frères. Dans ce conte féerique, les deux jeunes hommes cherchent l’eau de l’Arbre de Vie afin de sauver leur père. Ils sont amenés à coopérer et à employer leurs compétences respectives, pour venir à bout des obstacles. Chaque frère est contrôlé, en simultané, par le même joueur, grâce aux différentes gâchettes de la manette. Il est clair que Brothers marque les prémices des jeux suivants de Josef Fares : A Way Out (2018) et It Takes Two (2021). Ces deux aventures sont une ode à la coopération, pas seulement entre les personnages, mais aussi entre les joueurs. Et ce, en local, comme en ligne. (D’ailleurs, seulement un des joueurs doit acheter le titre pour en faire profiter un(e) ami(e)). A Way Out et It Takes Two parviennent à se démarquer l’un de l’autre, tout en maintenant une certaine continuité.

De la bromance à la thérapie de couple

J’ai eu l’occasion de refaire A Way Out, cette année. Le jeu narre l’histoire de Leo et Vincent, deux prisonniers devant apprendre à travailler ensemble, afin de s’évader de prison. De cette cavale naîtra une amitié unique et quasiment fraternelle. J’ai eu le partenaire idéal de jeu, pour l’occasion, puisqu’il s’agissait de mon propre hermanito : Mystic Falco. S’il a opté pour Vincent, un homme «  rationnel et réservé », j’ai choisi Leo, plus « sanguin et sarcastique ». Le monde est bien fait, n’est-ce pas ?

Dans la mesure où il vient de sortir, It Takes Two fut une découverte totale. L’histoire prend place alors que May et Cody décident de divorcer. Leur fille, Rose, aidée d’un livre magique, leur jette un sort, afin qu’ils se réconcilient. Transformés en poupées d’argile et de bois miniatures, May et Cody vont traverser une série d’épreuves, similaires à une bien étrange thérapie de couple. Une fois encore, ma partenaire fut tout à fait adaptée, (non pas que l’on se soit disputées !). J’ai joué avec ma chère Hauntya. Celle-ci a incarné May, une femme sérieuse et professionnelle, prête à se jeter au cœur de l’action ; tandis que j’ai interprété Cody, l’époux plus insouciant et maladroit, qui s’apparente davantage au personnage de soutien. Ils collaborent de façon équilibrée, dans l’espoir de redevenir humains.

Buddy movie et conte de fée, à la Shrek

Les mésaventures de Vincent et Leo sont pourvues d’une ambiance réaliste, sans être crédible. A Way Out est un véritable hommage aux films d’action des années 80 et 90, grâce à une mise en scène parfois ingénieuse, et très souvent stéréotypée. Multipliant les clichés volontaires et les références, (notamment à Old Boy ou Heat), A Way Out est une lettre d’amour décomplexée au cinéma. It Takes Two prend place dans une atmosphère féerique, ou du moins parodique. Si l’humour était déjà présent dans A Way Out, il est complètement débridé dans ce nouveau titre. Les références – surtout vidéoludiques – ne sont pas non plus en reste, si l’on se fie à la multitude d’easter eggs (A Way Out, The Legend of Zelda,…).

Sur le plan narratif, les deux jeux de Josef Fares ne sont pas révolutionnaires. Toutefois, leur audace, du point du vue du gameplay collaboratif, n’a pas son égale dans le paysage vidéoludique actuel.

Aventure narrative ou gameplay décomplexé ?

A Way Out est un jeu d’action-aventure dans lequel le gameplay est totalement au service de la narration. Si Vincent et Leo doivent coopérer pour s’évader de prison, c’est pour tisser une amitié unique. Si le titre varie les séquences de gameplay, c’est pour raconter une histoire qui ne souffre d’aucune baisse de rythme. L’absence de collectibles y contribue également, d’autant qu’ils sont remplacés par une multitude d’actions ou de mini-jeux à accomplir. En plus de préparer le terrain d’It Takes Two, ces mini-jeux ne sont pas aussi anodins et anecdotiques qu’on ne pourrait le penser. Le jeu est suffisamment intelligent pour les utiliser à des fins, une fois encore, narratives. Les mini-jeux en question renforcent la complicité des joueurs, et, par la même occasion, l’attachement qu’ils ressentent pour Leo et Vincent, qui deviennent eux-mêmes amis. On pourrait même qualifier cette manœuvre d’insidieuse dans la mesure où le jeu contient également des séquences émouvantes.

It Takes Two prend quelque peu le contre-pied de son prédécesseur, puisqu’il s’agit d’un jeu de plate-formes, où l’histoire n’est finalement qu’un prétexte pour enchaîner les phases de gameplay différentes. Cette fois-ci, la narration est au service du gameplay, et ce n’est pas un défaut, bien au contraire. It Takes Two est un chef-d’œuvre d’inventivité, dans lequel les niveaux, les obstacles et les manières de progresser ne se répètent jamais. Si l’on aurait pu craindre une certaine cacophonie, le jeu demeure harmonieux, grâce à son fil rouge. Au cours des premiers chapitres, May et Cody affrontent des corvées et même des objets du quotidien personnifiés, mais tout à fait ordinaires. L’étrange thérapie va toutefois les aider à se raccrocher à leurs souvenirs et surtout, à retrouver leurs passions. L’utilisation des mini-jeux atteint, quant à elle, son paroxysme. Dissimulés ici et là, dans les différents niveaux, ces mini-jeux regorgent d’inventivité et peuvent vous occuper, à eux seuls, durant des heures.

Une expérience fun et intimiste

A Way Out et It Takes Two sont des jeux comme on en fait trop peu, aujourd’hui. Josef Fares est probablement l’un des seuls créateurs à avoir compris combien les jeux multijoueurs (mais narratifs et possibles en local) pouvaient manquer au public. Si Leo, Vincent, May et Cody deviennent attachants, c’est parce que les joueurs se projettent en eux, par l’intermédiaire d’une relation qui ne demande qu’à s’étoffer, entre les personnages, mais aussi entre les joueurs eux-mêmes. Ces jeux n’ont pas la prétention de se prendre au sérieux, comme en témoignent leur intrigue quelque peu traditionnelle ou la multitude de clichés volontaires. Et pourtant, ils sont révolutionnaires grâce au dynamisme de l’écran splitté et surtout à leur inventivité, en terme de gameplay collaboratif. Bien que je sois profondément attachée à A Way Out, qui m’a fait rire, comme il m’a attristée ; j’ai été subjuguée par le rythme effréné et par l’imagination débordante d’It Takes Two. Ce nouveau titre se révèle plus ambitieux encore, grâce à des chapitres plus longs, plus ouverts, et regorgeant de mini-jeux ou de détails amusants. Ces deux jeux sont probablement ce qui pourrait se rapprocher le plus de la définition du « fun ». C’est pourquoi je surveillerai les futurs projets de Josef Fares, avec intérêt. Et quelque chose me dit que Mystic Falco et Hauntya le feront également :

« Ça faisait bien longtemps que je n’avais pas eu l’occasion de jouer à un jeu en coop’ et encore moins un jeu en ligne ! Mais l’occasion s’est présentée avec A Way Out, sachant que notre chère F-de-Lo l’avait déjà fait, elle m’a tout de même proposé de m’accompagner dans cette aventure qui s’est avérée être l’une des meilleures expériences de jeux en coop auxquels j’ai pu jouer ! Bon on va pas se mentir, cela est sans doute dû à ma camarade qui a rendu les choses aussi agréables à parcourir ! Le nombre de fois où l’on a pu rire lors de nos sessions, et ça, sans compter les moments plus sérieux et plus intimistes que l’on a pu passer. Cependant, une chose est sûre, le jeu en lui même est des plus agréables, il se parcourt sans grande difficulté (même si on repassera pour l’endurance de certaines personnes sur des barres de tractions, ou même sur la logique des puissances 4 !) Quoi qu’il en soit A Way Out est un jeu à faire absolument avec une personne avec qui vous êtes proche, aussi bien pour partager des moments de complicité, de rire, que d’émotions vraiment fortes ! »

« It Takes Two : une fabuleuse expérience tout simplement ! Même en ayant eu des échos du jeu, je ne m’attendais pas à une telle variété de niveaux, de gameplay, de mécaniques différentes, ce qui rendait chaque monde merveilleux à découvrir, chaque nouvelle capacité étonnante, tout en explorant sans stéréotype la relation de May et Cody. Il faut comprendre la douleur de F-de-Lo durant nos heures de jeu, face à ma maladresse et lenteur sur ce type de jeu de plate-forme, enchaînant chutes et erreurs. Mais cela ne retire en rien le plaisir d’avoir fait un tel jeu, où nous avons fouillé les moindres recoins, joué aux mini-jeux avec acharnement (une partie d’échecs d’une heure pour le plaisir!), aidé l’une l’autre, et observé chaque détail des décors. C’est un jeu qui sait à la fois se montrer terriblement fun et se renouvelle sans cesse, tout en proposant des sujets émouvants qui nous parlent facilement : le travail pour maintenir un couple, le temps qui passe, les rêves parfois abandonnés, la relation avec un enfant, etc. Et c’est une véritable satisfaction d’arriver au bout de cette aventure déjantée, qui plus est avec la coéquipière parfaite pour cela ! »

15 réflexions au sujet de « A Way Out & It Takes Two | Une ode à la coopération »

  1. A Way Out mériterait son propre film, genre Dicaprio et De Niro! Tu choisirais qui comme acteurs? Ou Pacino et De Niro comme Heat?

    J’avais vraiment apprécié à l’époque!

    Par contre, tu me fais découvrir It Takes Two! Pas mal comme concept!
    Josef Fares est donc un nom à noter pour ses prochains jeux en duo? ^^

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  2. Tu as magnifiquement relaté les expériences avec A way out et It Takes Two ! Deux jeux qui ne se prennent pas totalement au sérieux, mais qui sont solides, terriblement funs et attachants, par leur atmosphère, leurs personnages… et la relation d’entraide, de coopération, de complicité ou même de coups manqués entre deux joueurs. Tu as eu les mots parfaits pour décrire ces aventures qui dépaysent à chaque fois. Je suivrai bien entendu le prochain projet du créateur avec attention, tu t’en doutes. Il ne me reste qu’à te remercier pour cette belle balade avec May et Cody, pour le platine (^^) et surtout pour cette belle épopée riche et dense. Espérons que le quatrième jeu de Josef Fares nous émerveillera tout autant !

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  3. Josef Fares est peut-être un sacré phénomène, mais il fait à mon sens beaucoup de bien au jeu vidéo. A Way Out était relativement classique dans son approche du gameplay, mais il avait le mérite de proposer une aventure réellement narrative et coopérative, ce que beaucoup de titres ont du mal à faire. It Takes Two, en revanche, a été une vraie surprise. À l’heure actuelle, il est même encore en lice pour être mon jeu de l’année tant j’ai été subjugué par cette aventure. « Un bijou d’inventivité » comme je le qualifie dans mon test. Proposer une aventure narrative, en coopération, qui renouvelle autant son gameplay, c’est tout simplement du jamais vu (ou rarement) jusqu’ici.
    Pourtant, je dois dire que j’avais assez peur quand je lisais les nombreuses déclarations qu’il pouvait faire avant la sortie du jeu. Non seulement je trouvais ça pompeux, mais en plus je trouvais ça extrêmement risqué dans le sens où si cela s’avérait faux, alors il aurait perdu toute crédibilité. Mais s’il y a une chose que je retiens de cette histoire, c’est que quand Josef Fares dit quelque chose, il le fait. Et c’est suffisamment rare, dans cette industrie comme dans les autres, pour être souligné. J’attends avec impatience son prochain titre également, en espérant qu’il saura une nouvelle fois nous surprendre et nous subjuguer.

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  4. J’ai craqué pour A Way Out sur PS4 après une promo plus qu’intéressante. C’est typiquement le genre de jeu que j’apprécie. C’est pas folichon graphiquement, les mécaniques de jeu sont plutôt basiques mais je m’amuse !

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  5. Cool cet article !
    J’avais été intéressé par A Way Out à sa sortie mais j’avais été refroidi par certaines critiques qui pointaient du doigts l’écriture du jeu. Mais je sens que je vais sauter le pas, un de ces quatre.
    Et It Takes Two me tente aussi pour le faire avec ma compagne. On manque de jeux à faire en coop. Les premiers Halo, Gears of War, les EDF et SURTOUT Left 4 Dead font parties de nos jeux d’amoureux.
    Et comme tu le dis dans ton texte: il faut trouver le ou la partenaire avec lequel parfaire l’expérience.

    Le jeu vient tout juste d’être élu jeu de l’année par les games awards, et je suis attristé que des gens soient decus que ça soit un AA, en coop qui plus est, qui ait été intronisé.

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    1. Il est clair que A way out a une intrigue emplie de clichés, mais cela est parfaitement volontaire. De toute façon, le gameplay est si rare et si sympathique à faire, avec le bon partenaire, qu’il ne faut même pas hésiter. Je viens justement de relancer It takes two, avec un autre partenaire cette fois-ci, et le gameplay est encore plus poussé et travaillé que pour A way out. Je pense qu’il mérite ce prix et que ça fait de la visibilité à ce type de jeux, c’est cool. Oui, certains se plaignent de tout et n’importe quoi. Je pense que jamais rien sur les réseaux ne fera l’unanimité… En tout cas, merci beaucoup pour ta visite !

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