Final Fantasy VII a-t-il trouvé la recette du bon Remake ?

Si Final Fantasy VII (1997) a marqué les mémoires, c’est parce qu’il s’agit du premier opus de la franchise avec des graphismes 3D. D’autre part, son succès fut si retentissant qu’il contribua à celui de la PlayStation 1, ou de l’exportation des JRPGs dans le monde. 23 ans après, (et 6 ans après la première annonce du projet), paraît Final Fantasy VII Remake. Malgré des partis pris qui auraient pu rebuter les joueurs, à commencer par le choix de proposer un Remake en plusieurs épisodes, le jeu rencontre un franc succès.

Plus qu’une comparaison entre les deux jeux, ou un test, cet article a pour vocation de chercher les ingrédients qui composent – ou non – un bon Remake. A une époque où lesdits Remakes ou simples Remastérisations sont légion, cette question me semble pertinente. Tantôt fidèle à l’œuvre originale, tantôt révolutionnaire, Final Fantasy VII Remake est le jeu adéquat pour nourrir cette réflexion. Il revendique son caractère hybride et en fait sa force. Cela se traduit par des combats très nerveux et pleins d’action, réservant toutefois une place majeure à la stratégie, en hommage au tour par tour de l’épisode original. Alors que celui-ci était réputé pour son monde ouvert, Final Fantasy VII Remake peut davantage être qualifié de jeu couloir, ce qui ne l’empêche pas de proposer des zones plus ouvertes où tu peux aller et venir librement, afin de réaliser des quêtes annexes. Si le gameplay est ambivalent, il en va de même de l’intrigue. Pour mieux comparer les deux jeux, j’en aborderai des points cruciaux. Je n’ai pas envie de parler de spoilers, pour une histoire initialement sortie en 1997. En revanche, le dénouement de Final Fantasy VII Remake mérite d’être découvert et savouré, aussi te préviendrai-je lorsque je commencerai à le mentionner.

Beaucoup de joueurs semblent admettre que l’ingrédient majeur d’un bon Remake est la fidélité par rapport au jeu original. Final Fantasy VII Remake se focalise exclusivement sur Midgar. Soit. Une fois ce postulat accepté, les joueurs se sont attendus à une cité offrant le même contenu que dans le jeu original, et même davantage. Les ajouts sont, sans surprise, plus tolérés que les retraits. La question est probablement encore plus délicate pour les modifications, car tout dépend de la manière dont elles sont menées. Que l’on se rassure, Final Fantasy VII Remake est très respectueux du jeu original. Je vais aborder les points où le Remake se montre particulièrement fidèle, avant de m’attarder sur des partis pris qui gâtent l’expérience de jeu, d’après moi. Pour finir, nous aborderons les ajouts ou modifications qui m’ont paru efficaces. Avant tout, voici un portrait des personnages, où tu n’apprendras pas grand chose, si tu es féru(e) de Final Fantasy VII.

Ingrédient n°1 : Les personnages

Qui est Cloud Strife ?

Cloud est le protagoniste de Final Fantasy VII. (Petits personnages trouvés sur http://www.millenium.us.org).

Final Fantasy VII t’invite à rejoindre un groupe éco-terroriste baptisé Avalanche, afin de nuire à la Shinra, une organisation exploitant la Mako, l’énergie vitale de la planète, dans le but de produire de l’électricité ou des armes. Au delà de ce propos politique, Final Fantasy VII se concentre sur un panel de personnages qui sont devenus iconiques, au fil des années, à commencer par Cloud Strife. Il s’agit d’un ancien SOLDAT devenu mercenaire, et suivant le groupe Avalanche un peu malgré lui. Cloud semble posséder un passé assez nébuleux, mis en exergue dans le Remake. Il est souvent en proie à des migraines ou à des délires hallucinatoires, mettant notamment en scène un certain Sephiroth, le Nemesis de Cloud et plus largement du jeu. L’onomastique est assez intéressante dans Final Fantasy VII. D’après Final Fantasy Dream, Cloud signifie « nuage » et Strife « conflit ». Le verbe « to cloud » signifie « assombrir ». D’après le site, cela correspond à l’idée « d’un esprit embrumé constamment en conflit. »

Compagnons jouables : Tifa, Aeris et Barret

Protagoniste réservé et méfiant par nature, Cloud apprendra progressivement à s’ouvrir grâce à son amie d’enfance, Tifa Lockheart (littéralement, celle qui verrouille son cœur et dissimule ses sentiments vis-à-vis de Cloud), ainsi qu’à une mystérieuse marchande de fleurs : Aeris Gainsborough. Le prénom Aeris a des origines latines qui renvoient à l’air, un élément en harmonie avec les nuages, mais aussi avec le caractère de la Cetra.

Oublie toute notion de délicatesse ou de subtilité concernant Barret. Son prénom, celui d’un fusil, ne fait pas seulement référence à l’arme greffée à la place de son bras droit. Barret est un homme extrêmement bourru et impulsif. Il peut diviser les joueurs, il ne m’en a pas moins marquée dans le Remake. Durant la première partie du jeu, et même davantage, il est difficile de ne pas le trouver agaçant, à force de l’entendre râler et crier, à tout bout de champ. Le potentiel comique de Barret se révèle peu à peu, son manque de subtilité et de discrétion plongeant l’équipe dans des situations délicates. Barret se révèle également être un homme de principes, aimant par dessus-tout sa petite fille : Marlène. (Ce qui ne l’empêche pas de l’abandonner pour aller « sauver la planète »). Derrière son comportement bourru se cache un grand cœur.

Tels sont les quatre personnages jouables. Tu peux les trouver stéréotypés, à juste titre. Final Fantasy VII Remake ne cherche pas à renier l’empreinte laissée par les années 90, en témoigne un humour parfois caricatural, mais qui peut aussi charmer, pourvu qu’on se laisse emporter par l’univers du jeu. Le rire machiavélique d’Heidegger, chargé de la sécurité de la Shinra, en est un parfait exemple.

Et les autres, alors ?

Seulement la moitié de l’équipe originale est jouable. Pour cause, l’histoire de Final Fantasy VII Remake ne correspond qu’à un tiers du premier CD du jeu de base. On peut se consoler en se rappelant que les deux autres CDs étaient nettement plus courts, mais voilà qui interroge, d’autant que Square Enix ne semble pas encore parfaitement décidé vis-à-vis du nombre de suites à ce Remake (qui pourrait devenir une trilogie). Ce premier découpage n’est pas dénué de sens dans la mesure où l’histoire prend place exclusivement à Midgar, la cité la plus importante du jeu, qui tient d’ailleurs son nom du royaume des hommes, dans la mythologie nordique. On peut aussi se consoler en rencontrant Red XIII, dans les deniers chapitres, bien que le canidé ne soit pas jouable. S’il n’y a aucune trace de Cid, Vincent ou Yuffie, on remarque un brève apparition de Cait Sith, bouleversé par la destruction du taudis du secteur 7.

Ingrédient n°2  : La fidélité au matériau de base

Respect de la trame de l’histoire

Une image iconique.

Final Fantasy VII Remake a pour vocation d’être fidèle au jeu original. Un certain nombre de chapitres du Remake sont une adaptation directe des péripéties de la version de 1997. L’histoire débute, sans surprise, dans le réacteur Mako numéro 1, que Barret à l’intention de faire exploser, avec l’aide des membres de l’équipe Avalanche et d’un mercenaire : Cloud. Ainsi, le premier boss de chaque jeu est le Scorpion géant, une des nombreuses machines dévastatrices construites par la Shinra. (C’est d’ailleurs ce passage qui avait été sélectionné pour la démo). Bon nombre d’ennemis de Final Fantasy VII sont fortement influencés par le profil cyberpunk du jeu. Si tu souhaites en savoir davantage sur ce genre, je te renvoie à l’article d’Hauntya sur le sujet.

Parmi les chapitres les plus fidèles, on peut mentionner le chapitre 3, qui permet de découvrir le Septième Ciel, le bar servant de quartier général à Avalanche. Ce chapitre dévoile également la capacité du Remake à proposer des zones plus ouvertes, jonchées de quêtes annexes.

Je ne sais pas pourquoi, mais les premières aventures avec Aeris, lorsque Cloud est séparé du groupe, m’avaient particulièrement marquée dans le jeu original. Il était donc émouvant de redécouvrir, dans le chapitre 8, l’église (avec son parterre jonché de fleurs) puis la fuite dans le secteur 6, remarquablement fidèles. Il est difficile de ne pas s’attendrir lorsqu’on constate que le Remake reprend même certains « mini-jeux », comme lorsque Cloud doit quitter la maison d’Aeris, en silence, afin de ne pas attirer son attention. C’est d’ailleurs les aventures avec Aeris qui permettent d’introduire les TURKS, investigateurs de la Shinra, parmi lesquels on peut compter Rude et Reno. Le Remake se plaît à à les développer, à la manière d’un certain Advent Children.

Approfondir sans trahir

Cloud, Tifa et Barret observent un monde en ruine.

L’un de mes passages préférés, si ce n’est le meilleur à mes yeux, est le chapitre 9 du Remake, permettant d’explorer le « Quartier des désirs ». Wall Market est plus vivant que jamais et différent à certains égards. Les lieux regorgent toutefois de références au jeu original, par le biais des décors, des PNJs ou de certaines quêtes. Une des quêtes annexes, (déblocable à certaines conditions), amène à rencontrer le père désillusionné d’un vendeur, pour obtenir quelque chose. On retrouve les défis contre les athlètes du gymnase où encore le PNJ qui bloque les toilettes et qui a besoin d’un digestif, pour ne citer que cela.

Ce chapitre aboutit à la rencontre avec Don Cornéo, qui était déjà un porc dans le jeu de base, et qui n’est pas en reste dans le Remake. Celui-ci recherche activement des concubines et Cloud doit se déguiser en femme, afin d’infiltrer le manoir de Don Cornéo. En 2020, on est en droit d’être frileux vis-à-vis de l’adaptation de ce passage, qui peut se montrer maladroit vis-à-vis du traitement des femmes, ou même du travestissement. En ce sens, il est heureux que le Remake ait su approfondir ces questions, sans supprimer ou trahir cet aspect du récit. Mais nous y reviendrons plus tard.

D’autres chapitres sont très fidèles, à l’instar du douzième qui retranscrit l’ascension du Pilier du secteur 7.

Les péripéties de nos héros les mèneront, sans surprise, jusqu’aux locaux et laboratoires de la Shinra. S’ils n’auraient pas dû affronter une version de Jenova si tôt, le duel sur les toits, contre Rufus, le fils du Président Shinra, est très fidèle. Celui-ci est armé d’un fusil et accompagné de Nation Noire, son menaçant animal de compagnie.

Mise à jour des graphismes et de la musique

Il est incroyable de redécouvrir ces personnages avec autant de détails.

Comme tu t’en doutes, il est fascinant et parfois même émouvant de retrouver des aventures si choyées, sublimées par des environnements et des graphismes à couper le souffle. L’expérience est rehaussée par les réorchestrations et les remix des musiques originales. Celles-ci sont vraiment excellentes, à commencer par The Oppressed : Beck’s Baddasses & Due Recompense.

En fait, le seul reproche que je pourrais faire à la fidélité de ce Remake est la présence d’arrière-plans, dans certains environnements, qui sont ni plus ni moins des images sans relief et en basse résolution. Je pense notamment à la vision du dessus du bidonville, dans le chapitre 6. Cela rappelle presque les arrière-plans du jeu de 1997. On pourrait croire que c’est volontaire (ce dont je doute), mais dans tous les cas, le contraste avec la résolution des autres graphismes est assez ridicule. Or, voilà qui m’amène à évoquer les défauts de Final Fantasy VII Remake.

Ingrédient n°3 : Écueils à éviter

Du beurre étalé sur une tartine trop grande

Barret lui-même est fatigué des ruines et dédales.

Le principal reproche que je peux faire à Final Fantasy VII Remake est la longueur de certains chapitres, qui n’ont pas grand chose à raconter. Il était périlleux de proposer un jeu se déroulant exclusivement à Midgar, mais devant néanmoins posséder une durée de vie honorable. Sans surprise, le beurre a parfois été étalé sur une tartine trop grande. J’aimerais dire que cela est anecdotique, mais plusieurs des chapitres, parmi les 18 existants, n’étaient pas nécessaires, ou du moins trop longs. Je tiens à préciser que ces longueurs ne m’ont pas gênée à l’extrême, car je garde un souvenir positif de ce Remake, mais il serait malhonnête de nier leur artificialité.

Je ne suis, de base, pas fan des jeux couloirs, surtout lorsque ceux-ci sont aussi directifs et grisâtres que dans certains recoins poisseux des réacteurs de Midgar. Par exemple, le chapitre 5 est réservé au trajet qui relie la gare du secteur 7 au réacteur Mako numéro 5. On pourrait rétorquer que ce trajet semé d’embûches existait aussi dans le jeu original. D’autre part, le chapitre 5 permet de développer les personnages ou les agissements de la Shinra, laquelle ne se soucie guère de lâcher des expériences dangereuses dans la nature. Au reste, le chapitre tire en longueur et n’est surtout pas un cas isolé.

Il faudra pas moins de deux chapitres supplémentaires pour venir à bout de ce fameux réacteur Mako numéro 5. Certes, il est intéressant de découvrir la structure et l’utilité des réacteurs, alimentant les « soleils » des bidonvilles se trouvant dessous, mais le dédale métallique devient parfois interminable, surtout lorsqu’il est question de réduire les défenses d’un boss, le Briseur de l’air, avant d’aller l’affronter. Le Remake essaie de faire monter la tension avant la confrontation contre un boss du jeu initial, et c’est tout à son honneur. Or, non seulement cela est long, mais cela décrédibilise un peu l’aptitude de la Shinra à réagir face à l’ennemi.

Le chapitre 11, se déroulant dans le cimetière de trains, propose une ambiance nettement plus oppressante et fantastique que dans l’original, ce qui ne l’empêche pas de tirer en longueur. Les deux derniers chapitres « de trop » pourraient être le 13, permettant de découvrir les activités souterraines de la Shinra, en secourant Wedge, et le 15, consistant à faire l’ascension des ruines pour rejoindre la Tour Shinra. Le treizième chapitre prend le risque de donner un sentiment de redite lorsqu’on découvre les vrais laboratoires de la Shinra. Le quinzième chapitre est un niveau vertical assez fun mais pas fondamentalement nécessaire.

Quid des invocations ?

Bahamut n’est accessible que dans la dernière simulation de combat.

Enfin, j’ai deux regrets qui ne concernent pas la structure des chapitres. Le premier est assez inoffensif. Même si la quête d’invocations n’était pas particulièrement mise en valeur dans la version de 1997, je regrette que le principal moyen de remporter des Espers soit en les affrontant dans des simulations de combat, grâce à un PNJ inédit appelé Chadley. Ainsi, certains d’entre vous ont aisément pu passer à côté de Shiva, de Gros Chocobo, et surtout de Leviathan ou Bahamut. Le pire consiste sans doute à devoir investir dans du contenu supplémentaire pour obtenir Poussin Chocobo, Pampa ou Carbuncle.

Le cas Sephiroth

Sephiroth se plaît à hanter l’esprit de Cloud.

Mon dernier reproche va peut-être diviser, mais qu’importe. Au fil des années, Sephiroth est devenu iconique. Envisager un Remake sans le mettre à l’honneur était inconcevable, même s’il ne s’agissait que du début de l’intrigue. Je le conçois tout à fait. D’ailleurs, Sephiroth se montre aussi charismatique qu’énigmatique. Il est difficile de savoir quand il apparaît réellement, ou non. Mais en dépit d’un fan service très efficace, je regrette qu’il soit aussi présent, ou plutôt montré de manière aussi explicite.

Un Nemesis devient particulièrement oppressant et iconique lorsqu’il apparaît avec parcimonie, ou joue l’arlésienne pendant une grande partie du récit. Je dirais même que c’est cela qui a rendu le Sephiroth original aussi mythique. Que l’on se rassure, l’ennemi de Cloud n’est pas omniprésent dans le Remake, mais il apparaît à de nombreuses reprises, notamment dans la Tour Shinra, qui propose des moments nettement moins oppressants.

Dans le jeu original, contrairement au Remake, le Président Shinra parvient à faire enfermer Cloud et ses amis. C’est après s’être échappé de sa cellule que Cloud constate que les gardes sont morts. Le joueur doit suivre une traînée de sang, dans plusieurs couloirs et étages, avant d’avoir le fin mot de l’histoire. Le Président Shinra a été transpercé par une longue épée. C’est Palmer, un responsable de la Shinra, qui raconte que Sephiroth a tué le Président. Dans le Remake, on voit explicitement Sephiroth tuer ce dernier. Ce qu’on ne montre pas peut être nettement plus anxiogène. On sacrifie ces sentiments de tension et de mystère au profit du sensationnel.

Ingrédient n° 4 : Des rebondissements inattendus

Approfondissement du contexte politique

Le groupe Avalanche est prêt à tout pour sauver la planète.

Si Final Fantasy VII Remake n’est pas exempt de défauts, le jeu regorge de qualités indéniables et utiles à la confection d’un bon Remake. Ce n’est pas parce qu’un chapitre n’existe pas dans le jeu initial ou est plus long, qu’il est mauvais. D’ailleurs, tous les chapitres évoqués précédemment possédaient quelques atouts.

Parmi les péripéties inédites et efficaces, je peux citer le chapitre 4, consistant à partir en mission en compagnie de Jessie, Biggs et Wedge. Le chapitre en question débute par un mini-jeu en moto, inspiré du jeu original, mais proposant un boss inédit : Rochey, un SOLDAT fou des escapades motorisées. Par-dessus tout, cette virée nocturne permet de développer les trois membres d’Avalanche, à commencer par Jessie, dont le père travaillait pour la Shinra, avant de tomber malade à cause des activités de l’organisme. Non seulement cela permet d’avoir un nouvel aperçu des conséquences néfastes des agissements de la Shinra, mais cela rend également le jeu moins manichéen. Le père d’une des membres d’Avalanche travaillait pour la Shinra et en est toutefois une victime.

Cela m’amène à dire que Final Fantasy VII Remake permet d’approfondir le contexte politique, et de le rendre à la fois plus subtil et plus clair. Il est intéressant que cela ne passe pas exclusivement par la narration mais aussi par le level-design. Comme dans le jeu initial, il faut gravir bon nombre d’étages de la Tour Shinra pour espérer sauver Aeris, ou atteindre le Président. L’un des étages contient une exposition donnant des informations sur Midgar, l’énergie Mako, ou la Shinra elle-même. Naturellement, l’exposition en question ne tarit pas d’éloge à l’égard de la Shinra.

C’est très habile car, au fil des chapitres, le jeu nous propose d’épouser plusieurs regards. Cloud est relativement neutre. Les membres d’Avalanche sont prêts à tout pour faire cesser l’exploitation du Mako et sauver la planète. Mais certains sont plus modérés que d’autres. Barret est, sans surprise, particulièrement intransigeant, tout en admettant qu’il a lui-même cru, un jour, que la Shinra était utile et salvatrice. Avalanche a beau être un groupuscule écologiste, armé de bonnes intentions, leurs actes terroristes ne sont pas minimisés. Afin de rendre les protagonistes plus héroïques, on insiste toutefois sur le fait que la Shinra rend les actions d’Avalanche encore plus destructrices, au point de mettre en danger les populations. Cette manipulation permet à la Shinra de décrédibiliser Avalanche tout en continuant à asseoir son pouvoir sur Midgar. Tous les membres de la Shinra ne sont pas diabolisés pour autant. Certains ne sont que des employés qui ont besoin de leur travail pour subsister. Il n’est pas étonnant qu’ils croient en la Shinra dans la mesure où celle-ci garantit de la lumière et de l’énergie au peuple. Le citoyen lambda n’est pas prompt à sacrifier tout son confort, en vue de la destruction seulement hypothétique de la planète. On a vu combien la Shinra était manipulatrice. Les responsables de l’organisation sont des êtres dangereux et immoraux. J’ai déjà mentionné plusieurs membres de l’organisation, mais je pense aussi à Hojo, le savant fou qui s’amuse à réaliser des expériences sur les créatures et êtres humains. Les expériences de la Shinra ont eu de lourdes répercussions sur Cloud, Red XIII, sans parler de Sephiroth.

Un mercenaire en robe

« Perfection. »

Outre l’approfondissement des différents clans politiques, Final Fantasy VII Remake donne plus de vie à Midgar et à ses différents quartiers. J’ai eu, comme je l’ai dit plus tôt, un véritable coup de cœur pour Wall Market. On aurait pu craindre que le jeu devienne maladroit au moment où Cloud doit se travestir pour atteindre Don Cornéo, pervers par excellence. Or, cette partie de l’intrigue est relativement bien amenée. Pour commencer, on sent que le Quartier des désirs est assez libéré, en terme de sexualité et d’expression de genre, bien que rien de cela ne soit évoqué de manière explicite. Par exemple, l’un des PNJs, Juju, est clairement un travesti voire une femme transgenre. Personne n’émet la moindre réflexion sur son apparence. Il s’agit même du personnage le plus respecté dans le gymnase, pourtant rempli d’athlètes bodybuildés. Gagner contre Juju, dans certains mini-jeux, n’est d’ailleurs pas une mince affaire.

Pour la scène du relooking de Cloud en jeune femme, le Remake introduit un personnage inédit appelé Andrea. Celui-ci possède un look et un comportement vis-à-vis de Cloud, non anodins. L’ancien SOLDAT doit danser avec lui, dans une scène digne d’une comédie musicale, afin d’obtenir son aide. Cloud est alors relooké, sans pour autant être ridiculisé par la mise en scène ou les autres personnages. D’ailleurs, on sent Cloud embarrassé, mais pas plus que cela. Andrea le rassure en prononçant les mots suivants : «  La véritable beauté vient du fond du cœur. Écoute, Cloud. Être un homme ou une femme n’a aucune importance. Abandonne tes craintes, et avance. »

Cloud peut donc rejoindre Tifa, en compagnie d’Aeris, dans le manoir de Don Cornéo. Dans le jeu initial, Cloud ne pouvait être choisi par le bandit qu’en endossant une robe et des accessoires déterminés. Je trouve habile que, dans le Remake, Don Cornéo choisisse forcément Cloud. Non seulement cela permet d’éviter de placer Aeris ou Tifa dans la chambre d’un pervers, (non pas qu’elles soient sans défense). Mais en plus, cela ridiculise vraiment Don Cornéo, qui ne se rend même pas compte de la supercherie.

Je ne sais pas si le jeu est un exemple de féminisme, dans la mesure où, à l’instar des autres personnages, Aeris et Tifa sont assez stéréotypées. Elles n’en demeurent pas moins talentueuses et indépendantes. On peut d’avantage les incarner que dans la version de 1997.

Explication d’un dénouement inédit

Cloud est confronté à son destin.

Mais les ajouts les plus essentiels du Remake concernent le dénouement. Le chapitre final est complètement inédit, ce qui semblait nécessaire pour que ce premier épisode soit relativement indépendant. Pourtant, il est difficile d’imaginer une conclusion aussi épique et intrigante. Si tu as envie d’y jouer, prends garde aux spoilers.

Contrairement au jeu original, le Remake intègre tout au long de l’histoire la présence d’entités mystérieuses : les Fileurs. Tantôt menaçants, tantôt bienveillants, ceux-ci semblent être les gardiens de la destinée. Par exemple, ils sauvent Barret lorsque celui-ci est « tué » par Sephiroth.

Le dernier chapitre du Remake s’intitule Singularité du Destin. Il propose de pénétrer dans une sorte de dimension parallèle dans laquelle Cloud et ses amis affrontent des Fileurs, puis Sephiroth lui-même. (La réorchestration de One Winged Angel est pleine de tension). L’ambiance de ce combat n’est pas sans rappeler la confrontation de Sora contre Darkside dans Kingdom Hearts.

Mécontent d’avoir vaincu les incarnations du destin, Cloud est sujet à des visions qu’on peut qualifier de prédictions. Les personnages semblent avoir conscience de certaines péripéties, avant qu’elles n’aient eu lieu. Sephiroth a même prévenu Cloud que le destin n’est pas écrit. (Si tu veux plus de détails, je t’invite à consulter cette page). Doit-on en conclure que les personnages vont, à partir de la suite du Remake, réécrire l’histoire de Final Fantasy VII ?

C’est une des théories qui intrigue le plus la toile. Il serait surprenant qu’après une première partie aussi fidèle, la suite se permette des écarts scénaristiques voire des contradictions avec le jeu originel. Au reste, Square Enix a parfois présenté Final Fantasy VII comme une réécriture plutôt qu’un simple Remake. Un compromis envisageable serait de proposer une suite introduisant la notion de choix et de conséquences, pour montrer qu’il existe de multiples destins et que rien n’est effectivement écrit. Mais cela poserait des complications dans la production de plusieurs suites. Le moins que l’on puisse dire est que le dénouement de ce Remake se révèle marquant.

Il est probable que Final Fantasy VII Remake ait posé des bases, sans trop nous dépayser, afin de proposer des suites plus ambitieuses et révolutionnaires.

On peut notamment citer la présence de Zack, dans certaines visions, qui préparent déjà le terrain pour un véritable étoffement du lore de l’univers. (Zack est un SOLDAT ayant sauvé la vie de Cloud, avant de mourir devant Midgar. Cloud vole, à son insu, une bonne partie des souvenirs et de l’identité de Zack. Ce dernier a notamment été développé dans le jeu vidéo Crisis Core, paru sur PSP en 2007.)

Ainsi nos héros quittent-ils Midgar.

20 réflexions au sujet de « Final Fantasy VII a-t-il trouvé la recette du bon Remake ? »

  1. Je ne connais pas aussi en profondeur l’histoire de FF7 que toi, mais je suis surtout ravie que le jeu t’ait séduite à ce point ! Pourtant, ce n’était pas évident entre le besoin de modernité et le respect à la version originale, choses que tu analyses très bien dans cet article ! Je me suis gardée de lire les derniers paragraphes, mais je suis contente de lire les ajouts, changements, fidélités qui ont été choisis. C’est seulement dommage que certains passages traînent plus que nécessaire. Ça m’étonne aussi que l’histoire ait été un peu réinventée par moments, mais pourquoi pas ? (encore que je suis d’accord, un ennemi en arlésienne a plus de force). Les nouvelles musiques sont aussi magnifiques, et c’est un vrai plaisir de redécouvrir les personnages sous leur nouvelle apparence détaillée… un fossé entre le jeu original et maintenant ! C’est aussi très bien de savoir qu’ils ont choisi de développer l’approfondissement des personnages, mais aussi de les rendre plus nuancés. Ce remake donne envie d’y jouer malgré ses défauts ! 😀 (et merci pour la mention au passage !)

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    1. Ce remake n’est pas parfait mais il a le mérite de prendre des risques au final. C’est probablement pourquoi il est bien reçu, dans l’ensemble. Ca tombe bien que ça donne envie, je te le passerai dès que tu veux. Merci pour ton commentaire !

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  2. « Du beurre étalé sur une tartine trop grande » haha jolie analogie. Tu expliques de la meilleure des manières ce que le jeu réussit très bien et rate à côté, avec ces interminables chapitres qui ne racontent pas grand chose. Je n’ai pas encore terminé le jeu (je n’en suis qu’à 10h de jeu, chapitre 8 ou 9) donc je n’ai pas lu ton explication sur ton dénouement (mais je reviendrai la lire une fois le jeu terminé), cela dit je ne peux que te rejoindre sur la plupart des points. A commencer par la musique absolument fantastique, pourtant réarranger des titres aussi mythiques était plutôt casse gueule. J’ai trouvé aussi quelques détails bienvenus, comme le personnage d’Aerith qui a enfin un réel intérêt en combat.
    Mais comme toi j’ai ce fâcheux sentiment d’assister parfois à un jeu qui s’étire pour la simple (et mauvaise raison) qu’il faut « de la durée de vie ». J’aurais autant préféré un jeu plus court, même qui se termine en 15-20h grand maximum, avec un rythme plus intense. Le réacteur mako n°5, j’en pouvais plus.

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    1. L’analogie est une référence au Seigneur des Anneaux, je le confesse ! Il est vrai que Final Fantasy VII est en dents de scie. Il commet des exploits et des échecs. Au moins, on peut considérer qu’il tente des choses. Le problème de base vient sans doute du fait d’avoir voulu faire un jeu en plusieurs épisodes. J’aimerais vraiment savoir si c’était une intention artistique, ou si c’était seulement motivé par des problèmes de conception et de temps. Je penche plutôt pour la seconde solution.

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  3. Je suis vraiment d’accord avec ton analyse du jeu et j’aime beaucoup le point de vue que tu adoptes en n’en faisant pas une simple critique de jeu comme j’ai pu le faire. Ca me rassure en tout cas de voir qu’on a la même opinion sur le jeu. Très bel article en tout cas. Bravo à toi, un plaisir de te lire.

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  4. Il y a tant de choses à dire… Et sur lesquelles je souhaiterais réagir ! Mais ton dossier est franchement excellent, et c’est bien cela le plus important Flo !

    « Le beurre a parfois été étalé sur une tartine trop grande. » => J’aime le beurre demi-sel sur une bonne tartine de pain toasté (et un peu de confiture pour créer l’effet sucré-salé, le tout trempé dans mon café noir MDR). Tu as entièrement raison. Les chapitres sont inégaux en termes de longueur et d’intensité dramatique.

    Pour les invocations cela ne m’a pas trop gêné. Je trouve que les simulateurs de combat offrent quelque chose en plus et permettent de moderniser le concept des Espers. De plus, c’est gratifiant de pouvoir utiliser une invocation après avoir galéré à la terrasser. Leviathan était horrible à combattre et je compte m’attaquer au Bahamut en mode difficile dans pas longtemps ! Ça risque d’être folklo.

    Pour Sephiroth, c’est vrai qu’il y a des apparitions explicites de lui mais le personnage reste tout de même très mystérieux. On ne comprend pas trop ce qu’il fait là, ni quelles sont ses intentions. C’est surtout dans le chapitre final que Sephiroth est placé sous le feu des projecteurs et j’ai trouvé ça super que le jeu se termine sur ce combat dantesque qui nous oppose à lui !

    Merci pour ce bel article !

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    1. Oh, merci infiniment Eric ! Je prends note pour la tartine ! Sur place ou à emporter ? :p
      Ah ah, j’avoue qu’il m’est arrivé de chipoter dans l’article, mais je regrette vraiment que dans les rares épisodes un peu ouverts, les quêtes annexes ne soient pas plus variées et originales. Vraiment scénariser quelque chose autour des Espers aurait donc pu être une idée ! Ah oui, il y aurait beaucoup à dire sur le final, qui va sûrement en égarer quelques uns, d’ailleurs, ahah. Encore merci à toi, Eric ! Tu vas essayer de platiner le jeu, alors ? Il ne me reste que quelques trophées qui nécessitent de relancer plusieurs fois le début (les robes) ou de jouer en difficile. J’avoue que je n’ai pas le courage pour l’instant, ahah. J’ai gagné aux fléchettes et aux défis de fitness, ce sont déjà de belles victoires, mdr

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      1. Clairement, le défi des tractions avec Tifa était super compliqué ça m’a grave saoulé MDR. Oui je vais le platiner ! J’en suis au même stade que toi. Il me faut relancer les chapitres 3, 8 et 9 pour débloquer toutes les tenues de notre trio. Et ensuite je m’attaquerai au mode difficile. Mais avant ça je pense finir tous les combats du simulateur du chapitre 17. À la fin, il y a un objet rare qui facilite grandement la partie en mode difficile apparemment. Mais je suis d’accord avec toi, difficile de trouver la motivation et de se taper + de 40 heures de jeu encore une fois….

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  5. Je viens justement d’écrire mon futur article concernant le remake… Alors franchement, j’ai été déçue de cette fin… Je ne vais pas en dire plus pour ne pas trop teaser mon article mais honnêtement, ça m’a refroidie les deux derniers chapitre.
    Ah mais je suis d’accord, Sephiroth apparaît bien trop >.< …
    Ton article est très bien écrit franchement c'est fou :O ! et je suis ravie de voir que quelqu'un d'autre ai aimé le moment à Wall Market ! C'est vraiment mon moment préféré du remake.

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    1. Je te rassure, même si je suis restée relativement objective dans l’article, je ne suis pas la fan numéro 1 des Fileurs ou de cette fin. Je trouve que ça embrouille le jeu et qu’il y a du fan service sur Sephiroth. Je pense qu’ils ne savaient pas comment donner une fin satisfaisante à un jeu coupé en morceaux^^ Disons que ça rajoute un côté Kingdom Hearts, mais pas le meilleur côté^^ Mais le jeu reste agréable et le combat final est doté d’une bande son puissante. Ah mais Wall Market surpasse tout. Sans parler du côté LGBT, c’est ce qui s’apparente le plus à ce qu’on aime dans Final Fantasy : de la liberté et des quêtes annexes, même si celles-ci n’étaient pas transcendantes, on ne va pas se mentir. Au plaisir de te lire, alors !

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  6. Et oui, perso, je veux du FF pas du KH … Le fan service sur Sephiroth, ça fait des années que ça me gonfle en fait, c’est énervant car son histoire est intéressante en plus et je ne sais pas comment ils vont le mettre en place dans la suite surtout avec cette fin et toutes les théories, si elles sont vraies, qui traînent tout autour. ><
    Et oui, d'ailleurs comme je l'ai dit,Final Fantasy a été un peu l'élément déclencheur sur mon identité 😉

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  7. Pour ma part, je trouve que Final fantasy 7 sur la Playstation était peut-être moins beau graphiquement, mais a l’avantage d’être complet avec ces 4 CD. Il est également meilleur pour moi dans le sens où les combats se font uniquement au tour par tour. Attention, j’aime bien les jeux comme FF Crisis Core où on combat directement les ennemies, mais ayant joué et connu FF7 au tour par tour, je trouve que ce n’est pas le même jeu aujourd’hui. De plus, attendre plusieurs années pour avoir le jeu complet me paraît nul également même si des événements inédits sont ajoutés au jeu d’origine. Néanmoins, j’avoue avoir aimé le remake même si le jeu se déroule uniquement à Midgard, je le trouve passionnant à suivre, mais pas autant que l’original sortie sur la Playstation 1 que j’ai commencé d’ailleurs à rejouer il y a quelques semaines.

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    1. Franchement, même si j’ai bien aimé ce remake, je suis totalement d’accord avec toi. C’est vraiment par faiblesse que je l’ai tout de suite fait, car ce format « épisodique » me pose vraiment problème. Surtout qu’il y a tout de même des niveaux de remplissage dans ce premier remake. Enfin, nous verrons ce que l’avenir nous réserve !

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      1. Après, j’aime découvrir de nouvelles sensation en tant que fan de final fantasy, mais j’espère qu’ils ne vont pas complètement changer la trame de l’histoire juste pour faire plaisir au nouveau joueur actuel, mais plutôt ajouter de nouvelle scène scénaristique qui pourront faire avancer l’histoire. Soit faire une suite après les événements de Final fantasy 7. Ou même rajouter autant de scène supplémentaire, mais en gardant les mêmes persos pour leur connaître un peu mieux, etc. J’espère juste que les prochains épisodes vont être meilleurs.

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  8. Hello !
    Je viens de finir ton article sur FFVII Remake et c’était vraiment cool. J’avais déjà dévoré celui sur The Last of Us 2, en juillet dernier, juste quand je venais de boucler le jeu et c’était dense et passionnant. Vraiment ! Et comme le jeu était encore frais dans ma tête, j’étais encore bien imprégné de l’ambiance.
    Pour FFVII, je crois être globalement de ton avis. Bon, je ne vais pas épiloguer ce que j’ai déjà écrit sur mon blog, mais oui, il y a quelques longueurs mais, comme toi, le positif l’emporte. J’appréhendais le passage au Wall Market et le travestissement… Et finalement le jeu arrive à pas trop se prendre les pieds dans le tapis. Par contre, la grossophobie n’était pas nécessaire.
    Mais oui, le jeu est une réussite globalement. J’ai aussi beaucoup apprécié le chapitre inédit dans le quartier des employés de Midgar, chez Jesse.

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    1. Eh bien, merci pour tes compliments, tant pour TLOU II que pour FFVIIR ! Avec le recul, ce remake n’est pas un coup de cœur à fond, pour les raisons que j’évoque dans mon article, mais j’ai vraiment adoré certains chapitres ou certains de ses aspects, donc j’en garde un bon souvenir. Il est vrai que je n’ai pas pensé à évoquer la grossophobie dans l’article, mais ça ne m’avait pas amusée non plus ! Une fois encore, merci pour ton passage.

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