Knights of the Old Republic | La meilleure histoire Star Wars jamais narrée

Il y a bien longtemps, dans une galaxie pas si lointaine, BioWare pactisait avec Lucas Arts et Aspyr, afin de concevoir ce qui est – pour beaucoup – le meilleur jeu Star Wars jamais développé. Star Wars Knights of the Old Republic sortit initialement en 2003. S’il s’agissait avant tout d’un jeu PC et X-Box, il fut également porté sur Switch en 2021. C’est d’ailleurs sur cette console que j’ai retenté l’aventure, après l’avoir – je l’avoue – moult fois poncée sur PC. KOTOR a eu droit à tellement d’histoires dérivées (jeu en ligne, comics, romans,…) qu’il semble parfois difficile de s’y retrouver. Il s’agit avant tout d’un RPG proposant une aventure solo (rien à voir avec Han). L’intrigue se déroule quatre millénaires avant l’apogée de l’Empire Galactique vu dans les films ; à une époque où les Sith, encore nombreux, menacent à la fois l’Ordre Jedi et l’Ancienne République. Le seigneur Sith le plus connu est alors un ancien héros : Dark Revan. Mais ce guerrier légendaire a été vaincu, tant à cause de l’assaut des Jedi que de la trahison de son apprenti : le terrible Dark Malak. L’histoire du jeu commence dans un vaisseau pris d’assaut par les Sith, car il abrite la célèbre Jedi Bastila Shan. Le protagoniste que nous incarnons – un soldat – se réveille dans une cabine du vaisseau. De fait, et au rythme d’une bande originale de haute qualité, nous sommes tout de suite plongés dans le feu de l’action.

L’équipe part à bord de l’Ebon Hawk pour trouver un moyen de neutraliser Dark Malak (à droite).

Star Wars Knights of the Old Republic a vingt ans. J’exagère à peine en affirmant qu’il pourrait encore donner de nombreuses leçons aux RPG actuels. Le protagoniste du jeu est entièrement personnalisable, qu’il s’agisse de son genre, de sa classe, de son apparence ou de ses aptitudes. Nous ne savons pas grand chose sur lui (ou elle), dans la mesure où il souffre d’amnésie. Tous ces codes paraissent très classiques, me direz-vous, mais cela justifie que le héros ait tout à apprendre. Par-dessus tout, il a une marge d’évolution morale, que l’on trouve dans très peu de RPG actuellement. Nos choix d’actions ou de dialogues permettent en effet de le faire basculer vers le côté lumineux ou obscur de la Force.

KOTOR est un RPG comme je les aime, car il est extrêmement riche, sans pour autant être grotesquement démesuré. L’équipage de l’Ebon Hawk (le vaisseau que nous possédons) est amené à explorer sept planètes, et quelques autres lieux moins vastes. Les planètes en question possèdent des endroits aux ambiances différentes ; mais l’espace demeure relativement restreint. Bien sûr, cela est dû aux contraintes techniques de l’époque, mais c’est à mes yeux amplement suffisant. Je préfère de loin une planète intelligemment utilisée et fourmillant de surprises ou de détails, plutôt que des espaces gigantesques, dans lesquels on ne sait pas où donner de la tête, et surtout où les quêtes – si on peut les appeler comme telles – se répètent inlassablement. Oui, les lieux de KOTOR sont restreints mais vivants.

Des hauteurs vertigineuses de Kashyyyk aux profondeurs de Manaan.

Depuis quelques années, certains RPG proposent des villes gigantesques dans lesquelles il est impossible de rentrer dans les maisons ou de parler aux PNJ. Au contraire, chaque porte de KOTOR peut abriter un secret. Les personnages secondaires et autre PNJ ne foisonnent pas, mais sont généralement marquants. On peut discuter avec eux pour en apprendre davantage sur la planète ou pour être confronté à un choix moral. Mais c’est rarement pour récolter une énième quête fedex, comme si nous étions le livreur Amazon du quartier. Il arrive même que des événements s’enclenchent lorsque nous arrivons à un endroit particulier, à tel point du jeu. Ils ne lancent alors pas une cinématique verbeuse qui casse le rythme, mais rappellent simplement que la planète est habitée et vivante. Par exemple, quand un conflit éclate, nous sommes libres de nous interposer ou non. Cela peut être pour défendre la victime comme pour l’extorquer davantage. En deux mots, tout a du sens et une finalité.

Les planètes ne sont en rien répétitives. Le climat désertique de Tatooine s’oppose à la forêt de Kashyyyk ou au monde marin de Manaan. Dans chaque lieu, le peuple et le bestiaire varient. Par-dessus tout, chaque planète dispose d’un contexte géo-politique spécifique, et influençable. Nous pouvons ainsi prendre le parti d’un clan ou d’un autre, ce qui aura un impact sur l’avenir du monde. L’opposition se fait souvent entre un clan colonisateur et un peuple indigène, ou entre un parti écologique et l’autre peu regardant du bien-être de la nature. Et ce n’est pas aussi manichéen qu’on pourrait le penser. Je pense à Taris, où la population est hiérarchisée selon sa situation sociale, les aliens étant méprisés et les malades étant carrément prisonniers du quartier souterrain, où ils peuvent être transformés en rakgoules. Est-il alors plus juste d’offrir l’antidote aux contaminés, ou bien de les laisser mourir afin de fournir l’échantillon à un docteur qui pourrait en sauver un plus grand nombre ? Bien que nous explorons les planètes pour chercher des indices sur les Sith, nous n’avons pas l’impression d’aller d’un point A à un point B, pour suivre vulgairement l’histoire. Nous savons que nous laisserons une empreinte sur la planète visitée. Et en plus, cela contribue à notre évolution vers le côté obscur ou lumineux de la Force. Manaan est assez marquante dans ce sens puisque les décisions que nous prenons, dans la station (stressante) d’extraction du Kolto, peuvent entraîner la gratitude des habitants de Manaan ou – au contraire – les inciter à nous bannir.

Le héros, Carth et Bastila visitent Dantooine, tandis que des apprentis Sith s’entraînent sur Korriban.

Comme si cela n’était pas assez passionnant, la plupart des quêtes peuvent se résoudre de bien des manières. Il est possible de perfectionner ses talents en persuasion ou en informatique pour éviter certains combats, en manipulant un PNJ ou en piratant un ordinateur pour neutraliser son système de sécurité (robots, tourelles, etc). Je ne prétends pas que KOTOR soit le premier – ni même le dernier RPG – proposant tout cela ; je trouve toutefois que ce n’est pas aussi commun que je le souhaiterais, et que tout cela a tendance à se perdre, dans la multitude de pseudo RPG que nous avons aujourd’hui. Aïe, j’ai l’impression de parler comme un boomer ! Et c’est d’autant plus vrai que je suis influencée par la nostalgie. Je n’oublierai jamais la première fois que j’ai mis les pieds sur Korriban et que j’ai découvert les Sith, à l’apogée de leur pouvoir. On y trouve en effet une académie Sith dont on peut suivre les enseignements, pour l’infiltrer ou au contraire, pour la rejoindre réellement. Je vous laisse deviner ce que j’ai fait…

Mais ce n’est pas tout ! Ce qui rend KOTOR si vivant, ce sont ses personnages jouables. Le protagoniste est rapidement épaulé par Bastila et Carth. La première est une Jedi au caractère bien trempé qui nous instruit et nous conseille. Le second est un héros de la République, qui redoute par-dessus tout la trahison. Il n’y a qu’en leur parlant moult fois qu’on est amenés à découvrir leur passé. S’ils font partie de notre équipe à certains moments ou endroits, ils sont susceptibles de réagir à nos choix (de façon positive ou négative) ou de rencontrer quelqu’un de leur passé.

L’équipe de KOTOR au grand complet. A droite, Bastila refusant des cookies.

L’équipe peut aussi être constituée de Mission, une jeune Twi’lek et Zaalbar, un Wookie. Canderous est un Mandalorien qui n’a pas peur de se salir les mains pour arriver à ses fins. Il permet de mettre la main sur T3-M4, un droïde utilitaire. On peut aussi mentionner Jolee, un vieillard maniant un sabre-laser mais dont le positionnement est ambigu. Enfin, certains personnages peuvent être manqués, comme HK-47, que l’on peut trouver dans une vieille boutique de Tatooine. Il s’agit d’un droïde assassin étrangement sarcastique. Juhani, quant à elle, est une Jedi passée du côté obscur de la Force : il ne tient qu’à vous de l’éliminer ou de parvenir à la ramener sur le droit chemin, afin qu’elle intègre l’équipe.

Comme si KOTOR n’était pas suffisamment avant-gardiste, Juhani est susceptible de tomber amoureuse de vous uniquement si vous incarnez une femme. Bref, chaque membre de l’équipe est particulier, que ce soit par sa race, son passé, ses compétences, son caractère, ses réactions et tout ce qu’il peut apporter. L’équipage de l’Ebon Hawk est l’un des plus attachants qu’il m’ait été donné de croiser. En ce sens, le dénouement de KOTOR est encore plus tragique, si l’on choisit de basculer du côté obscur. Je n’ai jamais vu une intrigue et une fin qui m’ont autant surprise, marquée et même émue. C’est tellement vrai que je n’ai jamais trop osé modifier mes choix, malgré les nombreux runs que j’ai effectués. Mais je ne dirai rien de plus, puisque le twist de KOTOR est ce qui fait tout son charme.

On va peut-être « rancor » pouvoir jouer à Kotor, mais il faut avouer qu’il y en avait bien besoin.

En 2021, le remake de KOTOR, une exclusivité Sony, a été annoncé. En dehors d’une cinématique de quelques secondes dévoilant Dark Revan, nous n’avons pas eu grand chose à nous mettre sous la dent. Pire encore, le développement du jeu semble si laborieux que, tous les quelques mois, la rumeur veut qu’il soit annulé ou, au contraire, ravivé. Si je suis lasse de cet ascenseur émotionnel, j’ai toujours l’espoir que le jeu voit le jour, car il s’agit clairement de l’une des raisons pour lesquelles j’avais investi dans une PS5. Je suis bien sûr prête à attendre tout le temps qu’il faudra afin d’avoir un jeu correctement terminé et abouti.

KOTOR semble si parfait à mes yeux qu’on peut imaginer que je n’attends qu’un vulgaire copié-collé. Oui, et non. Ce qui est exceptionnel pour un jeu de 2003 mérite d’être perfectionné en 2023. Je voudrais que le remake soit extrêmement fidèle en ce qui concerne l’histoire où les différentes planètes à explorer. Je ne serais pour autant pas contre quelques lieux et quêtes annexes inédits, pourvu que les rajouts ne soit pas démesurés ni dénués de sens. Ne me faites pas incarner un Jedi pour aller acheter des œufs ou pour ramener un porg à son propriétaire ! Par ailleurs, force est de constater (sans mauvais jeu de mots) que le jeu originel nécessitait de faire de nombreux allers et retours qui peuvent s’avérer fastidieux pour les joueurs ne connaissant pas la progression par cœur, comme moi. J’imagine que les relations avec les autres membres de l’équipage pourraient être encore plus développées. Une amitié profonde voire une romance pourrait être possible avec chacun d’entre eux, selon notre genre, comme cela s’est vu dans Dragon Age : Inquisition. Il pourrait y avoir encore plus d’interactions entre eux et surtout, il pourrait être possible de les influencer vers le côté obscur ou lumineux de la Force, même si cela pourrait – j’en conviens – altérer l’impact de la fin de KOTOR. (Cette influence de l’équipage, on la trouvait dans la suite de Star Wars KOTOR, un jeu pas mauvais mais oubliable, que j’ai tenté de relancer dernièrement, en vain.)

Et vous, quel camp choisirez-vous ?

Mais KOTOR, premier du nom, n’a pas que des qualités. Les graphismes, en dehors de certaines cinématiques, sont extrêmement archaïques. Je rêve sincèrement de voir le jeu refait avec les graphismes photoréalistes de l’époque, mais aussi une très belle direction artistique. Plus important encore, le gameplay peut s’avérer pénible à prendre en mains pour celles et ceux n’en ayant pas l’habitude. Il s’agit de combats au tour par tour, certes dynamiques, mais qui en ennuieraient plus d’un aujourd’hui. De toute façon, la rumeur prétendait que le remake serait bel et bien un action-RPG. Enfin, certaines phases de gameplay sont carrément devenues presque injouables. Je pense aux courses de fonceurs que je trouvais déjà capricieuses à l’époque, où à l’utilisation de la tourelle, dans l’Espace, quand l’Ebon Hawk est attaqué par d’autres vaisseaux. Ah ça, KOTOR aurait davantage besoin d’être dépoussiéré qu’un certain The Last of Us Part II ! Pour finir, le héros que nous incarnons à tout d’un tank. Comme je le disais dans un précédent article, je rêve que le remake s’inspire de Star Wars Jedi Survivor pour réellement donner la sensation d’incarner un Jedi. Un personnage agile, qui explorerait les endroits les plus reclus, même en verticalité, rendrait l’exploration très agréable. Par-dessus tout, les combats, que l’on choisisse d’utiliser son sabre ou la Force, méritent un nouveau souffle à la fois épique et dynamique.

Voilà, il me semble avoir rappelé tout l’amour que j’éprouve pour Star Wars KOTOR, et expliqué pourquoi j’espère tant qu’un remake voit le jour. Je ne peux que vous encourager à découvrir le jeu original par vous-mêmes, soit dans l’optique de patienter plusieurs années, soit parce que son remake ne verra peut-être jamais le jour. Dans tous les cas, que la Force soit avec vous.

Final Fantasy I & II Pixel Remaster | Le retour des pionniers du JRPG

Qui n’a jamais entendu parler de Final Fantasy ? Jeu de la dernière chance pour Square, en 1987, la saga est – à l’instar de Dragon Quest – pionnière dans le monde du JRPG. Il est possible que vous vous soyez déjà laissés envoûter par l’une des musiques cultes de Final Fantasy, ou même que vous ayez testé l’un de ses épisodes phares, comme Final Fantasy VII, premier titre en 3D qui laissa son emprunte sur le monde du jeu vidéo. Il y eut pourtant bel et bien six épisodes avant, certains n’ayant été que très tardivement exportés en Amérique du Nord ou en Europe. La saga a fait du chemin depuis, puisque, actuellement, la version physique de Final Fantasy Pixel Remaster – regroupant les six premiers jeux – est impossible à se procurer, tant elle a été victime de son succès (ou de spéculation)…

De l’intérêt de la compilation Pixel Remaster

Final Fantasy (1987) n’a pas toujours été aussi riche visuellement.

Final Fantasy Pixel Remaster n’est pas la première réédition des titres originaux de la saga, loin s’en faut. Plusieurs versions et compilations ont traversé les années et les consoles. Final Fantasy est notamment sorti sur PlayStation, où ses graphismes étaient améliorés, sa musique remixée et où il était prévu plus d’espaces de sauvegarde. Chaque portage apporta son lot de modifications ou d’améliorations. On peut notamment mentionner la version Game Boy Advance qui intégrait, en plus d’un mode facile, du contenu supplémentaire, mais aussi un ajustement des mécaniques de gameplay, via l’ajout de points de magie ou d’objets curatifs. Sur PSP, on pouvait même retrouver des cinématiques en 3D. J’avais moi-même fait plusieurs épisodes de la saga, sur Steam, il y a quelques années.

Qu’apporte donc Final Fantasy Pixel Remaster, me direz-vous ? En ce qui me concerne, il y a le bonheur de redécouvrir les six premiers jeux de la saga, intégralement en VF, et sur PlayStation 4, ce qui signifie l’obtention de trophées de Platine à la clé. Par-dessus tout, comme en témoigne la bande-annonce de la compilation, Square nourrissait le désir de mettre, sur le marché, une version plus accessible et en même temps aussi fidèle que possible aux premiers titres de Final Fantasy. Ainsi, bien que les améliorations et les options d’accessibilité ne manquent pas, tout ajout superflu a été occulté afin de rester au plus près des versions originales. C’est par ailleurs la première fois que les six premiers titres sont compilés en même temps. De sorte, les interfaces et mécanismes sont plus harmonieux que jamais.

Parmi les options d’accessibilité les plus alléchantes, on peut mentionner l’amélioration de la police d’écriture, l’augmentation de la vitesse de déplacement, la possibilité de supprimer les rencontres aléatoires et le multiplicateur de points d’expérience ou de gains. Voilà qui met fin à tout ce qui gonflait artificiellement – et péniblement – la durée de vie des jeux, sur NES. L’expérience ne s’en retrouve que plus rapide et aisée. Le pixel art est remastérisé, à l’instar des musiques, réorchestrées par Nobuo Uematsu, en personne. Toutefois – toujours par souci de proposer une expérience aussi fidèle que possible – les joueurs ont la possibilité de remettre les musiques originales. Pour tous les fans de la licence, Final Fantasy Pixel Remaster est un must have, dans la mesure où il se nourrit des portages précédents, tout en réalisant le tri nécessaire pour rester le plus fidèle possible aux expériences de base. C’est la première fois que les six premiers épisodes sont harmonisés à ce point, et c’est naturellement l’occasion pour nous de revenir sur les prémices d’une saga pionnière du JRPG, en commençant naturellement par Final Fantasy I et II.

La structure narrative originale des Final Fantasy

Un aperçu des maps de Final Fantasy I & II.

Final Fantasy est une saga bien particulière dans la mesure où les titres principaux sont – généralement – indépendants les uns des autres. L’histoire ne se déroule pas dans le même univers et les personnages principaux changent, bien que l’on puisse retrouver des noms familiers, ici et là. Les mécaniques de gameplay elles-mêmes évoluent d’un jeu à l’autre. La saga a toujours été motivée par le besoin de se renouveler, au risque de ne pas toujours faire l’unanimité. Cette hétérogénéité se retrouve dès les premiers épisodes de Final Fantasy, qui n’en servent pas moins de socle pour les futurs jeux de la licence, ou pour les JRPGs en général. Au-delà de leurs différences, les jeux Final Fantasy possèdent naturellement un ADN commun, que l’on s’amuse à retrouver au cœur des deux premiers titres.

Final Fantasy est sorti, je le rappelle, sur NES, en 1987. On aurait pu s’attendre à une histoire tout à fait basique et, d’une certaine façon, elle l’est. Les joueurs peuvent choisir la classe et le nom des quatre personnages jouables, qui sont dénués de toute histoire ou personnalité. Les dialogues sont minimalistes et l’histoire très manichéenne. Et pourtant, on découvre un open-world riche, non dénué de poésie, dans lequel les quatre guerriers de la lumière doivent sauver les cristaux élémentaires, mais aussi neutraliser Chaos, pour ramener la sérénité dans le monde. Final Fantasy, premier du nom, est pourvu d’un retournement de situation final, un peu alambiqué, qui deviendra la marque de fabrique des futurs épisodes de la saga. Ainsi, Chaos et Garland, le chevalier maléfique vaincu au début du jeu, ne font qu’un ; le tout s’expliquant par une histoire de paradoxe et de boucle temporels. Final Fantasy n’en demeure pas moins l’histoire de la lutte sempiternelle de la lumière contre le mal. Les héros et l’antagoniste lui-même sont plus des entités symboliques que de véritables personnages.

Or, tout cela évolue dès le deuxième opus, dans lequel la narration s’est – en à peine un an – considérablement améliorée. Ainsi, les héros ont un passé et un nom, à commencer par Firion, Maria et Guy, qui recherchent leur frère perdu Leon. Ils rejoignent très rapidement la résistance afin de mener des activités rebelles contre l’empire, dirigé par le redoutable Palmécia. La saga acquiert une dimension politique qui ne la quittera jamais vraiment. Par-dessus tout, de nombreux personnages secondaires viennent grossir les rangs de l’équipe, de façon passagère. Cela permet d’enrichir l’histoire, les possibilités de gameplay, mais aussi de proposer de véritables ressorts scénaristiques, comme la mort de compagnons. Il est malheureusement assez préjudiciable de devoir constamment renouveler le quatrième membre de son équipe, mais l’effort n’en est pas moins louable. Par ailleurs, pour rendre les dialogues plus vivants, et l’implication des joueurs plus forte, Final Fantasy II met en place un système de mots-clés à découvrir et à retenir, afin de débloquer des dialogues inédits et souvent nécessaires à la progression. Tout cela semble peu de choses, mais on ne s’étonnera plus que Final Fantasy ait à ce point marqué l’histoire du RPG, ou du jeu vidéo en général.

Références et mécaniques de gameplay à gogo

Bahamut dans Final Fantasy et le Chocobo dans Final Fantasy II.

Bien que Final Fantasy ne soit pas le premier jeu vidéo de rôle, il n’en est pas loin, à l’instar d’un certain Dragon Quest. Or, les JRPG sont tous les enfants du jeu de rôle sur papier Donjons & Dragons. C’est pourquoi le bestiaire de Final Fantasy en est beaucoup inspiré. Si celui-ci n’aura de cesse d’évoluer au fil des années, certaines créatures restent des habituées de la saga. A mes yeux, Bahamut, que l’on retrouve dès le premier jeu, est une créature iconique de Final Fantasy. Mais il est bel et bien issu, lui aussi, de Donjons & Dragons. Final Fantasy s’inspire aussi de légendes, comme celles du Roi Arthur. C’est pourquoi l’arme la plus puissante du jeu s’appelle Excalibur. La saga commence à détenir une identité propre avec le second opus, où l’on commence à voir apparaître des visages familiers, comme Cid, qui possède un Aéronef. Par-dessus tout, la carte du monde abrite la forêt des Chocobos, dans laquelle on peut trouver une monture jaune canari digne de ce nom.

Les deux premiers Final Fantasy possèdent toutes les mécaniques de gameplay traditionnelles du JRPG. Les joueurs sont livrés à eux-mêmes dans un open-world, où la suite de la progression est indiquée par des dialogues et surtout des limites naturelles. Les héros n’auront par exemple accès qu’à un seul continent avant de débloquer un bateau. Les cartes ne sont pas très grandes, en comparaison avec les maps actuelles ; cela ne les empêche pas d’abriter plusieurs secrets et mystères. Par-dessus tout, la durée de vie et la difficulté des jeux était assurée, sur NES, par d’innombrables rencontres aléatoires, et la nécessité de s’entraîner des heures, afin de progresser. Il n’y avait bien sûr pas de sauvegardes automatiques, ce qui, en cas de KO ou de problème technique, pouvait faire perdre des heures de jeu. Avec les options d’accessibilité proposées par Pixel Remaster, les jeux sont nettement plus chills, si l’on omet certains boss plus retors, ou la nécessité de compléter un bestiaire dans lequel se dissimulent des monstres assez rares.

Le premier Final Fantasy est on ne peut plus classique au niveau des combats. Les stats et les compétences d’un héros dépendent de la classe choisie, au début de l’aventure. Si certains valoriseront l’attaque, d’autres seront des mages blancs ou noirs. Les combats au tour par tour ont longtemps été la marque de fabrique de la saga, avant d’être sacrifiés au profit d’une dimension action-RPG, dans les épisodes les plus récents de la licence. Comme je le disais, la saga s’est sans cesse renouvelée. Aussi, dès l’épisode 2, Square innove et tente des mécaniques de gameplay inédites. Or, elle ne m’ont personnellement pas séduite. Ainsi, les personnages ne gagnent aucun niveau. Leurs statistiques évolueront en fonction de la manière avec laquelle on jouera avec. Ainsi, un personnage qui attaque davantage sera plus fort, et un autre qui encaisse beaucoup plus résistant. Ce sont les compétences de magie et d’arme, qui évoluent, et ce, de façon plutôt capricieuse. On ne peut pas gagner à tous les coups, mais au moins Square aura-t-il tenté des choses.

Épilogue

Vous l’aurez sans doute compris, il est très intéressant de replonger dans l’univers des premiers Final Fantasy par l’intermédiaire de Pixel Remaster. On ne compte plus les compilations et les rééditions des premiers titres, mais il s’agit peut-être de la version ultime, à la fois très accessible et en même temps fidèle aux expériences originelles. Cela permet de découvrir avec sérénité l’histoire et les personnages des premiers opus d’une licence culte, qui, tout en se renouvelant, a peu à peu installé des éléments destinés à devenir mythiques et à la rendre tout de suite reconnaissable. Cerise sur le gâteau, le menu de chaque jeu réserve des surprises, comme le bestiaire, des concepts arts ou la possibilité d’écouter la bande originale. Il me tarde de me lancer dans la redécouverte des épisodes III à VI, et je reste également curieuse de découvrir Final Fantasy XVI, prévu sur PlayStation 5, plus tard dans l’année.

Si vous souhaitez en savoir plus, je vous invite à lire la chronique à venir de Pixel Remaster, sur Pod’Culture, signée Anthony ; mon article sur l’histoire du RPG, ou ceux sur Final Fantasy VII et VIII.

Stray et Maneater | Pourquoi incarne-t-on des animaux dans les jeux vidéo ?

J’ai récemment joué à Donut County (2018), un jeu de réflexion imaginé par Ben Esposito. L’un des protagonistes est un raton laveur fan de jeux vidéo et assez irresponsable. Par sa faute, la ville est progressivement engloutie par un trou – que nous contrôlons – et qui grandit, au fur et à mesure qu’il avale des objets. Ce jeu indépendant, sans être inoubliable, m’a incité à me demander d’où pouvaient surgir de telles idées de concepts. Donut County serait a priori né suite à une compétition de création de jeux vidéo, dont les scénarios étaient issus d’un compte tweeter parodiant Peter Molyneux (Fable). Je me suis également demandé quel était l’intérêt de faire d’un animal le protagoniste d’un jeu, et en quoi cela pouvait impacter la narration ou le gameplay. En l’occurrence, nous ne contrôlons pas directement le raton laveur, dans Donut County, et celui-ci est par ailleurs personnifié. Autrement dit, il se comporte et s’exprime comme un être humain. Mais ce n’est pas le cas des deux jeux dont je m’apprête à parler : je pense à un requin-bouledogue et à un chat tigré.

Comme requins et chats

Maneater est un jeu développé par Tripwire Interactive et sorti en mai 2020. Les joueurs sont invités à suivre une télé-réalité commentant les mésaventures d’un chasseur de requin. Nous sommes amenés à contrôler un requin-bouledogue, dont la mère a été tuée par le pécheur en question. Il s’agit donc d’une histoire de vengeance. Stray a, pour sa part, été développé par BlueTwelve Studio, avant de sortir en juillet 2022. Les joueurs contrôlent cette fois-ci un chat errant, vagabondant dans une ville cyperbunk, peuplée de robots.

A-RPG et Science-fiction revisités

Le premier jeu est un action-RPG, se déroulant dans un monde ouvert. Le requin fait des trucs de requin, mais dans un gameplay si détonnant avec sa condition de squale que cela en devient aussi astucieux que déconcertant. Le requin, d’abord bébé, a besoin de tuer d’autres animaux marins avant de grandir et de se développer. C’est ainsi qu’il gagne des points d’expérience. Il peut également débloquer de nouvelles évolutions à cause de la radioactivité des lieux, au point de devenir un mégalodon moderne et de venir à bout des supers prédateurs – ou des humains – sans difficulté. En dehors de ces compétences invraisemblables, le requin est très ordinaire, dans la mesure où il n’est aucunement personnifié. Tripwire Interactive a d’ailleurs basé le jeu sur le concept de télé-réalité pour palier à l’impossibilité du squale de s’exprimer. Ainsi, Maneater est tout de même ponctué de commentaires ironiques et irrévérencieux.

Le chat, dans Stray, fait aussi des trucs de chat. Certains trophées du jeu nécessitent de miauler cent fois ou de dormir au moins une heure, sans toucher la manette ! Le félin n’est ni doté du don de la parole, ni de compétences sortant de l’ordinaire. Le bavardage sera confié à son fidèle compagnon : un robot nommé B-12. La seule particularité de ce chat réside finalement dans le fait d’arpenter un univers cyberpunk, déserté par les hommes. Les joueurs seront amenés à passer des obstacles ou à faire preuve de réflexion afin de progresser dans le monde. Quand le paradoxe installé dans Maneater (un requin devient le héros d’un action-RPG) est aussi absurde que burlesque, le parti pris de Stray rend l’aventure terriblement poétique et envoûtante. En contrôlant un simple chat, perdu dans un monde post-apocalyptique, les joueurs sont plongés dans l’immensité et la contemplation.

Références et critiques

Qualifier Maneater de burlesque ou absurde n’est en rien une critique, puisqu’il s’agissait de l’ambition du titre. Les créateurs souhaitaient proposer un jeu « complètement nouveau et unique » tout en contournant « la limite entre plausible et ridicule ». Le moins que l’on puisse dire est qu’ils y sont parvenus. Maneater est un action-RPG et un open-world modeste, certes, mais réussi. On sent que le studio s’est inspiré de mastodontes tels Far Cry ou Breath of the Wild. C’est précisément ce soin apporté au gameplay qui contraste avec la nature du protagoniste et crée la tonalité burlesque. Selon toute vraisemblance, Maneater est inspiré d’un jeu méconnu nommé Jaws Unleashed (2006), dans lequel on pouvait incarner un squale. Les sauts prodigieux de notre requin hors de l’eau ne sont pas non plus sans rappeler les affiches de Sharknado, la célèbre saga nanardesque du cinéma. En dépit de cet humour absurde, Maneater n’est toutefois pas dénué de fond, puisqu’il est question de dénoncer la pollution des océans ; ou encore de mettre en scène la revanche de la nature contre l’humanité. Peut-être s’agit-il même de la revanche des animaux du jeu vidéo en général, puisqu’ils font souvent office de proies à chasser dans bien des titres.

Aussi étonnant que cela puisse sembler, le message sous-jacent n’est pas si éloigné de celui de Stray. Le chat errant explore un monde post-apocalyptique, où l’on devine que l’homme a couru à sa propre perte. Les robots restants n’osent pas quitter les taudis ni le centre-ville où ils vivent car ce monde plongé dans l’obscurité est à la merci des Zurks, des petites créatures dévorant tout sur leur passage. Or, l’esthétique du jeu a été inspirée par la Citadelle de Kowloon, une enclave chinoise qui était située non loin de Honk Kong, jusqu’aux années 90. Il y avait une très forte densité de gens dans cette citadelle privée de lumière, à cause des hauts bâtiments. Les lieux auraient été victimes d’une forte criminalité et de mauvaises conditions sanitaires, avant leur évacuation puis leur destruction. De fait, Stray se veut la dénonciation de l’urbanisation ou de la surexploitation de la technologie.

Conclusion

Maneater et Stray sont des jeux très différents. L’un est un action-RPG se déroulant dans un monde ouvert où le requin, très féroce, s’emploie à dévorer des gens, sous les commentaires sarcastiques d’une équipe de télé-réalité. Le ton est volontairement absurde est burlesque. Stray permet d’incarner un chat astucieux, certes, mais plus inoffensif. Accompagné du robot B-12, le félin arpente un monde post-apocalyptique, à l’esthétique cyperpunk. La tonalité est plus sérieuse et poétique, rendant le sous-texte plus évident.

Et pourtant, les deux jeux ont été crées suite à l’envie de proposer des expériences novatrices et nouvelles. Qui aurait pensé à faire d’un requin le héros d’une quête vengeresse et d’un RPG, si ce n’est Tripwire Interactive ? De la même manière, propulser un chat dans un monde cyberpunk est une idée dont on ne peut nier l’originalité. Bien que les gameplays de Maneater ou Stray n’inventent aucune formule, celles-ci sont revisitées par le fait de devoir incarner des animaux. Nos deux protagonistes possèdent des nageoires, des pattes et des crocs mais ne peuvent manier aucun outil, ni utiliser la parole. Les studios doivent donc se montrer inventifs pour faire progresser la narration. Par ailleurs, l’incarnation d’un animal reflète le désir de renouer avec la nature ainsi que de dénoncer certains travers de la société moderne.

De nombreux jeux, souvent indépendants, proposent des concepts novateurs ou nous plongent dans la peau d’une bête. L’intention première est certainement de créer une expérience originale et ludique, mais cela permet également de réinventer certaines mécaniques de gameplay ou de transmettre des messages.

A la découverte de Tales of Arise

La saga Tales of est l’un des piliers du monde du RPG. Réputée pour ses combats en temps réel ou son esthétique empruntée aux mangas et animes, – comme en témoignent les cinématiques de Tales of Arisela saga fut lancée en 1995, avec Tales of Phantasia. Cet opus, paru notamment sur PlayStation 1, révolutionna les jeux de rôle, grâce à son système de combat innovant. Si vous souhaitez en savoir davantage sur l’histoire des RPG, je vous invite à consulter mon dossier sur le sujet. Depuis 1995, de nombreux jeux Tales of ont vu le jour, et même des mangas ou animes dérivés.

C’est Tales of Arise qui m’a permis de faire un premier plongeon dans la licence. Développé par Bandai Namco, cet Action-RPG est sorti en 2021, notamment sur PlayStation 5. A l’image de Final Fantasy ou Dragon Quest, les différents jeux Tales of n’utilisent pas forcément le même univers, ni les mêmes personnages. L’histoire de Tales of Arise prend place durant la guerre entre deux planètes : Dhana et Rena. Le contexte militaire et politique est au cœur de cette intrigue débutant dans une prison.

Shionne et Alphen sont les deux protagonistes du jeu. Le second aura bien du mal à se libérer de son masque de fer.

L’homme au masque de fer

Le protagoniste, Alphen, est l’un des nombreux esclaves opprimés par les Réniens. Celui-ci a la particularité de porter un masque de fer. Vous connaissez sans doute cette légende issue de la France du XVIIe siècle. Un prisonnier portant un masque de fer aurait vécu durant le règne de Louis XIV. Si, aujourd’hui, nous pensons que l’homme au masque de fer n’était finalement qu’un valet, nommé Eustache Danger, incarcéré pour raison d’état, certaines théories demeurent très populaires, à commencer par l’existence secrète du frère jumeau de Louis XIV. Comme toutes les légendes, celle-ci préserve son aura de mystère et de fascination, des siècles après. Bien que le masque en question soit endossé par Alphen, l’inspiration s’arrête ici ; c’est pourquoi nous ne digresserons pas davantage ! Au reste, la vraie identité d’Alphen aura effectivement son importance ; et ce n’est pas la première fois que la série Tales of s’inspire de mythes et légendes. Tales of Phantasia faisait lui-même de nombreuses références à la mythologie nordique.

Pour en revenir au héros de Tales of Arise, Alphen a aussi la particularité de ne pas ressentir la douleur. Il ignore pourquoi, car il est parfaitement amnésique. Il finira toutefois par reprendre sa liberté et croiser la route de Shionne, une Rénienne renégate. La jeune femme aux cheveux rose ne peut pas toucher qui que ce soit, au risque de provoquer chez cette personne une souffrance fulgurante. Ce n’est évidemment pas le cas d’Alphen, insensible à la douleur. En plus d’être complémentaires, les deux protagonistes ont un but commun : exterminer les cinq Seigneurs Réniens, afin de libérer Dhana. Or, comme dans tout RPG digne de ce nom, le duo sera progressivement rejoint par d’autres acolytes, possédant leurs compétences propres. L’intrigue finira également par se sophistiquer.

La mise en scène constitue un vrai délice visuel.

Parfois redondant, mais toujours efficace

Tales of Arise est un excellent RPG, dont la mise en scène est particulièrement belle et travaillée. J’émettrais toutefois plus de réserves vis-à-vis de l’histoire, dans laquelle je ne me suis jamais parfaitement sentie investie, peut-être à cause de sa répétitivité ou d’un script très verbeux. Il est vrai que, contrairement au premier titre de la saga, ce Tales of Arise ne révolutionne pas le genre. En dehors de quelques boss emblématiques, le bestiaire se révèle sans surprise et redondant. Il ne change pas particulièrement d’une région à une autre et l’on peine à différencier les créatures. Certaines mécaniques de jeu ne sont pas très utiles, à commencer par le ranch, permettant d’élever du bétail. Et au risque de me répéter, le jeu est assez verbeux. Comme d’autres RPG japonais, il raconte plus qu’il ne montre. A titre d’exemple, un trophée nécessite de visionner plus de 300 saynètes comprenant des dialogues entre les personnages, accessibles dans différentes zones et à des moments précis de l’histoire.

En dépit de cela, je reste heureuse d’avoir découvert cet excellent titre, et par la même occasion, une saga pionnière de l’Action-RPG. Tales of Arise évite de nombreux écueils, à commencer par la surabondance de quêtes annexes. Le jeu n’en compte après tout que 70. Bien qu’elles ne soient pas particulièrement scénarisées ni marquantes, elles ne deviennent jamais envahissantes. Fait assez réjouissant pour être souligné, j’ai préféré le post-game à l’histoire principale. Il était fort plaisant d’explorer de nouveau le monde et de découvrir des lieux inédits, afin de forger les meilleures armes, pêcher tous les poissons ou même monter l’équipe au palier symbolique du niveau 100. La progression se fait très naturellement, en dépit de combats souvent durables et épiques. Même en mode Facile, le jeu nous confronte à de nombreux sacs à PV. Le mode Normal est relativement exigeant, dans la mesure où les Seigneurs représentent des défis redoutables, avant lesquels il n’y a pas forcément l’occasion de beaucoup s’entraîner. Dans la mesure où le monde est constitué de zones semi-ouvertes, de nombreuses phases de l’histoire donnent plus l’impression de parcourir un jeu linéaire, qu’un RPG en monde ouvert. Ceci étant dit, les amateurs et amatrices de sensations fortes devraient être servis.

Certaines cinématiques du jeu empruntent l’esthétique d’animes.

Conclusion

Si vous n’êtes pas coutumiers des RPG, je ne vous orienterais pas forcément vers Tales of Arise en premier. D’autres titres me paraissent plus emblématiques. Toutefois, les fans de RPG – dont je fais partie – seront sans doute heureux de découvrir ce pilier du jeu de rôle, par l’intermédiaire d’un titre somme toute très abouti. Je n’ai pas mentionné la bande originale, qui n’est décidément pas en reste. Enfin, je ne peux m’empêcher de penser que, même si cet opus est indépendant, j’ai probablement dû passer à côté de nombreuses références à la licence, sans parler d’une nostalgie bien familière qui rend toujours un jeu plus savoureux. Quoiqu’il en soit, si vous êtes tentés par l’aventure Tales of Arise, n’hésitez pas à tester le jeu par vous-mêmes ; afin de vous forger votre propre avis !

Dossier #4 : (Mon) Histoire du RPG

J’adore les jeux vidéo, et ceux que je préfère par-dessus tout sont les RPG. Dernièrement, j’ai terminé Légendes Pokémon : Arceus qui, en dépit de ses défauts, m’a permis de m’évader. Vous pourrez d’ailleurs prochainement retrouver mon test sur Pod’Culture. J’en suis venue à me faire la réflexion que, même s’il s’agit de mon genre de prédilection, je n’ai pas des connaissances énormes sur le sujet, et ne me suis d’ailleurs jamais demandé pourquoi ces jeux me faisaient autant vibrer. Ce que je vous propose, c’est un article retraçant l’histoire du RPG, certes, mais entrelacé à ma propre histoire, ou du moins celle que j’ai en commun avec les titres m’ayant le plus marquée.

I. Les origines du RPG [1970-1992]

Comment est né le RPG ?

Le RPG trouve son origine dans les années 70. Pour cause, il est l’héritier des jeux de rôle sur table. Le premier d’entre eux est un titre un peu obscur et méconnu : Donjons et Dragons. Ce jeu de rôle inventé par Gary Gygax et Dave Arneson se joue avec des dés. Il pose plusieurs règles des futurs RPG comme l’introduction de combats au tour par tour, de points de magie ou même d’une accointance avec l’heroic fantasy.

C’est seulement en 1975 que serait apparu le premier jeu de rôle numérique, fort inspiré de Donjons et Dragons. DND aurait été développé dans une université du Sud de l’Illinois. L’objectif était de vaincre les ennemis d’un donjon, avant de récupérer le trésor et de remonter à la surface. Il est fort probable qu’au moins deux autres jeux aient été développés dans la même période que DND, c’est pourquoi il faut retenir cette information avec prudence.

Ultima, apparu en 1981, est le premier RPG à utiliser un système de cartes pour aller d’un environnement à un autre. Il fut développé par Richard Garriott et inspira Dragon Quest.

Des enfants jouent à un jeu de rôle, l’un des écrans de DND et le menu d’Ultima

1986 est une date clé pour les jeux vidéo, comme pour les RPG. En 1986, The Legend of Zelda est le premier jeu à proposer un système de sauvegarde. Il est rapidement suivi par un certain Dragon Quest. Les RPG auraient effectivement eu du mal à exister, sans la possibilité de sauvegarder ! Ces deux petits bijoux arrivent sur Famicom, ou NES, pour les intimes.

Dragon Quest, le premier RPG emblématique ?

Le premier Dragon Quest permet d’incarner le Héros, un descendant de Roto. Il est le seul capable de sauver la princesse Laura, et de ramener la lumière dans le monde. Dragon Quest est le premier né d’une longue lignée. Le onzième et dernier opus principal en date s’intitule Les Combattants de la Destinée. Il s’agit aussi du premier Dragon Quest que j’ai fait et il m’a bouleversée, car il était imprégné autant des bases de la franchise, que du genre du RPG lui-même.

Dans Dragon Quest XI, nous sommes toujours amenés à incarner un Héros destiné à préserver la lumière dans le monde. Ce qui va changer, ce sont les péripéties et les acolytes constituant l’équipe. Il m’est impossible de ne pas mentionner Sylvando, un chevalier singulier dont le genre n’est guère défini et qui n’hésite pas à reconstituer une scène digne de la gay pride. Dragon Quest, ce sont des personnages hauts en couleurs et des rebondissements, sublimés par une musique mémorable ainsi qu’une direction artistique à se damner. Le style artistique est en effet celui du seul et unique Akira Toriyama, qui travaille sur Dragon Quest, depuis presque aussi longtemps que sur Dragon Ball.

Un aperçu du premier Dragon Quest sur NES, une illustration d’A. Toriyama et Sylvando (Dragon Quest XI)

Qu’est-ce qu’un RPG ?

Dragon Quest est par ailleurs un bon exemple pour rappeler la définition exacte d’un RPG. Un RPG consiste à incarner un ou des personnages afin de les faire évoluer, au sein d’un univers vaste. Généralement, le scénario est assez complexe pour assurer une durée de vie conséquente. Le jeu alterne entre des phases d’exploration, de dialogues et surtout de combats, au tour par tour. Afin de progresser, le personnage doit acquérir des points d’expérience, compléter un arbre de compétences ou utiliser un équipement plus efficace. Un RPG se situe généralement dans un univers médiéval ou au contraire futuriste. Tous deux possèdent une part de fantastique. Le background est notamment alimenté par les PNJ et les quêtes annexes.

Le RPG est lié à de nombreux sous-genres, à commencer par l’Action RPG, qui, désormais très populaire, permet de rendre les combats plus dynamiques. Au reste, on peut aussi mentionner le Hack and Slash, le Rogue Like, le Tactical RPG, le MMORPG et même le jeu de rôle par forum. Pour l’anecdote, sachez que – plus jeune – j’ai passé des années à écrire sur des jeux de rôle par forum, voire même à les administrer et les modérer ! Le but était de créer une fiche de personnage, avant de raconter ses aventures, uniquement par écrit. Les autres joueurs et joueuses répondaient avec leurs propres personnages, et nous bâtissions ainsi une histoire commune, par les seuls pouvoirs de l’écriture et de l’imagination.

De Dragon Quest à Final Fantasy

C’est en 1987 que la petite sœur de la saga Dragon Quest arrive sur Famicom. Je veux bien entendu parler de Final Fantasy. Le premier titre de la franchise met en scène les Guerriers de la Lumière, dans un univers gouverné par les cristaux élémentaires. Chaque membre de l’équipe peut appartenir à une classe, comme Guerrier, Mage blanc ou Mage noir. A partir de Final Fantasy III, la série devient aussi célèbre pour son système d’invocations. Aujourd’hui, la saga principale – anthologique, comme Dragon Quest – comporte 15 épisodes. J’ai joué à la majorité d’entre eux, parfois même quand j’étais enfant. C’est pourquoi il s’agit de l’une de mes licences de cœur. Le thème principal des Final Fantasy, l’un des seuls à revenir, est particulièrement émouvant. Mais je m’attarderai plus amplement sur la saga, plus tard.

Un village de Final Fantasy, le combat dans Final Fantasy puis dans Final Fantasy IV (Complete Collection)

Qu’est-ce qu’un JRPG ?

Il est grand temps de mentionner le fait qu’il y ait deux écoles, ou deux styles de RPG. Dragon Quest et Final Fantasy sont des JRPG. Le RPG japonais introduit généralement toute une équipe de héros, afin de venir à bout de la quête principale. Le JRPG possède initialement des combats au tour par tour, bien que l’action tende à se démocratiser. Ce qu’il faut retenir par-dessus tout, c’est que le JRPG est très dirigiste par rapport aux RPG occidentaux. Pour ne citer que cela, les joueurs et joueuses n’ont pas une grande étendue de choix et les dialogues ont rarement des conséquences sur le dénouement. Pour l’anecdote, les pays occidentaux n’adhèrent pas tout de suite aux RPG. C’est pourquoi les premiers Dragon Quest et Final Fantasy mettront des années à débarquer en Europe, notamment.

A-RPG, MMORPG et 3D

La même année débarque YS, probablement le premier A-RPG. YS est également devenu le pionnier d’une longue licence de jeu vidéo. Celle-ci ayant eu du mal à se faire une place en Europe, on peut davantage retenir des titres comme Secret of Mana (1994) ou Star Ocean (1996).

En 1991, Neverwinter Nights est le premier MMORPG entièrement graphique. Il s’agit d’un jeu massivement multijoueurs, en ligne.

1992 fut une grande année, pas seulement parce que votre humble narratrice naquit, mais aussi parce que les jeux vidéo commencèrent à être en 3D. On peut mentionner le survival horror Alone in the Dark, sur PC. Nous allons donc entrer dans une nouvelle ère…

Un dialogue dans YS, un aperçu du MMORPG Neverwinter Nights et d’Alone in the Dark, en 3D

I. Les origines du RPG [1970-1992]II. L’arrivée de la 3D et l’essor des RPG [1994-2004]III. Un genre victime de son succès ? [2007-2020]

Pourquoi « Yakuza Like a Dragon » est-il une bonne parodie ?

C’est en 2005 que Yakuza débarquait sur PlayStation 2. Quinze ans plus tard, Yakuza Like a Dragon s’installe davantage comme un renouveau de la saga, que comme un véritable septième opus. Les joueurs n’incarnent plus Kinyu Kazuma mais un certain Ichiban Kasuga. Le jeu ne peut plus être qualifié de beat them all, mais de JRPG incluant des combats au tour par tour. C’est toutefois par son humour particulièrement redoutable que Yakuza Like a Dragon tire son épingle du jeu.

En 2001, Ichiban est un jeune yakuza qui décide de se sacrifier pour protéger la famille Arakawa. Il purge une peine de prison pour un crime qu’il n’a pas commis. Il n’est libéré que 18 ans plus tard, en 2019. Ichiban va retrouver un monde, mais aussi des personnes qu’il ne reconnaît plus. L’intrigue ne se déroule plus au célèbre quartier fictif de Kamurocho, mais à Isezaki Ijincho. Ichiban a tout perdu et il est désormais sans-abri. Avec l’aide de nombreux compagnons, il va devoir se faire une place de choix, en ville, afin de déjouer les plans d’une vaste conspiration.

Sur le papier, l’intrigue de Yakuza Like a Dragon semble conventionnelle. Au reste, elle est si riche en rebondissements, et surtout si bien contée, tant en terme de cinématographie que de tonalité, qu’elle en devient virtuose. Ce qui caractérise le plus Ichiban, c’est sans nul doute son amour incommensurable pour le jeu vidéo Dragon Quest. Si Don Quichotte se prenait pour un chevalier et confondait les moulins à vent avec de véritables géants, Ichiban a également une vision altérée de la réalité, où il est le héros et où tout devient des éléments de RPG. Ce décalage fait de Yakuza Like a Dragon non seulement une parodie hilarante, mais aussi un vibrant hommage aux RPG comme Dragon Quest. C’est un équilibre difficile à maintenir, et pourtant, le jeu n’esquisse aucun faux pas.

Ichiban est désorienté par l’an de grâce 2019.

Mais au fait, qu’est-ce qu’une parodie ?

D’après Universalis, une parodie est un discours avec une intention « comique, ludique ou satirique. » Il s’agit du détournement de « phrases célèbres, de formules connues ou de références culturelles ». Le but est de procurer aux joueurs (en l’occurrence) le « double plaisir de la reconnaissance et de la surprise. » Ce dernier code est fondamental, car si l’élément parodié n’est pas assez reconnaissable, les joueurs ne seront ni surpris, ni amusés.

Ichiban et ses amis sont prêts à en découdre.

Quelles composantes du RPG Yakuza doit-il respecter ?

Un héros, entouré de compagnons, parcourt librement le monde afin de mener à bien différentes quêtes annexes, en parallèle de l’intrigue principale. Il en a besoin afin de gagner des niveaux, de débloquer de nouvelles compétences mais aussi de conquérir des armes redoutables. Les différents membres de l’équipe ont des classes et des compétences différentes, qui rendent le combat au tour par tour d’autant plus stratégique. Le chara design doit permettre de différencier les protagonistes, mais aussi les ennemis, qui appartiennent à un bestiaire généralement fantastique. Ces codes sont plus difficiles à respecter qu’on ne le pense car Yakuza Like a Dragon se déroule dans un monde contemporain et a priori réaliste. Cela semble incompatible avec le gameplay mécanique et artificiel du tour par tour, où l’intervention de phénomènes fantastiques.

Ichiban, nouveau héros de Dragon Quest ?

Dans ce cas, comment Yakuza s’y prend-il ?

C’est non seulement l’esprit déluré d’Ichiban, mais aussi son histoire, qui vont permettre à ces incompatibilités de cohabiter. Ichiban est un passionné de Dragon Quest, mais aussi un idéaliste, qui perçoit le monde à sa façon. C’est pourquoi les ennemis changent d’apparence, et les héros de tenues, lorsque nous entrons dans une phase de combat. (Petite mention pour la coupe de cheveux d’Ichiban, qu’il juge ratée, alors que les héros de JRPG se caractérisent bien souvent par des cheveux en pétard). Par-dessus tout, Ichiban n’est pas un homme moderne. Il est resté 18 ans en prison et il a encore tout à découvrir. Il est le dernier représentant d’une époque révolue, où les smartphones n’existaient pas et où Final Fantasy était un jeu au tour par tour et non un action-RPG. Oui, Ichiban est un homme démodé. C’est cela qui le rend si comique, mais aussi iconique. Yakuza Like a Dragon est de ces jeux qui remettent le combat au tour par tour sur le devant de la scène. C’était un pari risqué, mais le gameplay est si dynamique et plaisant qu’il a largement été réussi. A une époque où les jeux vidéo sont plus accessibles, grâce aux modes de difficulté personnalisables et surtout aux sauvegardes automatiques, Yakuza Like a Dragon propose un ultime donjon, optionnel certes, mais particulièrement redoutable. La véritable Millennium Tower finale nécessite des heures et des heures d’entraînement, et s’avère punitive. Non seulement les ennemis sont extrêmement coriaces, mais le moindre échec vous fait retourner en bas de la tour. Le défi est de taille et rend clairement hommage aux combats traditionnels et interminables des RPG. Entre les jeux d’arcades Sega d’Isezaki Ijincho et cet hommage vibrant, on peut dire que la mise en abyme est de rigueur dans Yakuza Like a Dragon.

Quid de l’humour, dans Yakuza Like a Dragon ?

Si certaines composantes du RPG sont reprises sans détournement, la plupart d’entre elles sont parodiées et c’est précisément ce qui rend Yakuza Like a Dragon si délicieux. Le jeu est terriblement drôle. Alors que les RPG sont souvent critiqués pour leurs nombreuses quêtes fedex, Yakuza Like a Dragon en fait sa force. Lorsqu’un PNJ vous interpelle, tout semble aller au mieux dans le meilleur des mondes. Celui-ci a besoin que vous retrouviez son écrevisse de compagnie, celui-là que vous alliez chercher du lait pour son bébé. Et pourtant, tout finit par déraper. Le premier n’a aucun égard pour la malheureusement bête, qu’il souhaite cuisiner. Le second permet de découvrir un réseau de yakuzas qui se promènent en couches-culottes. De nombreuses quêtes secondaires de Yakuza Like a Dragon sont si absurdes qu’elles en deviennent hilarantes. (Et pourtant, cela n’empêche pas le jeu d’être émouvant, à bien des égards). La parodie du système de rangs ou de jobs est tout aussi efficace. Ichiban et ses compagnons doivent littéralement se rendre à Hello Work, l’équivalent de Pôle Emploi, pour prétendre à un nouveau job. Si vous pouvez devenir tueur à gages ou garde du corps, vous pouvez aussi débuter une carrière de reine de la nuit ou de sans-abri ! Et figurez-vous que la compétence permettant d’invoquer une horde de pigeons contre les ennemis, est particulièrement redoutable ! Ce serait criminel de ne pas mentionner les mini-jeux qui contribuent à l’humour, tout en renforçant l’immersion au sein d’Isezaki Ijincho, ou l’amitié avec nos compagnons. Ainsi, pour augmenter ses statistiques de personnalité, Ichiban doit littéralement passer des diplômes, à l’école ! Au-delà de l’humour bon enfant, le jeu est parfois assez satirique. Le bestiaire permet de ridiculiser bon nombre de traits de caractère ou de criminels, à commencer par les pervers, qui peuvent même jaillir des coffres-forts ! Cela nous amène à mentionner le dernier ressort de la parodie : les références culturelles. Les nombreux adversaires de Yakuza Like a Dragon sont appelés des Sujimon. Sans surprise, il faudra essayer de tous les attraper, ou du moins tous les vaincre, au cours de notre quête. Si les références à Dragon Quest constituent le fil rouge et l’essence même du jeu, on note aussi la présence d’un mini-jeu intitulé Dragon Kart, ou une référence à Excalibur, propre à tous les RPG dignes de ce nom, lorsqu’Ichiban découvre son arme principale.

Ichiban est le point de jonction entre deux époques.

Conclusion

Yakuza Like a Dragon respecte tous les codes de la parodie, avec intelligence, et c’est ce qui le rend si génial. On y trouve de l’humour ludique, satirique mais rien n’est laissé au hasard. Les diverses parodies et références culturelles permettent aux joueurs de retrouver les codes bien connus des RPG, mais aussi d’en rire. Si Yakuza Like a Dragon est si efficace, c’est parce qu’il ne confond jamais l’humour, certes irrévérencieux, avec l’irrespect. C’est une véritable lettre d’amour écrite à l’égard de Dragon Quest, ou à tous les RPG du genre. Certes, Ichiban est une sorte de Don Quichotte appartenant à une époque révolue, mais il se pourrait bien qu’il permette de la réhabiliter. A vrai dire, c’est le protagoniste idéal pour proposer le renouveau d’une saga, sans pour autant la trahir. Cette aventure, qu’on quitte avec un serrement au cœur, réalise donc un coup de maître.

L’héritage de The Outer Worlds

Si tu en avais l’opportunité, serais-tu prêt(e) à te faire cryogéniser afin d’entreprendre un long voyage spatial, qui te permettrait de faire partie de la première colonie extra-terrestre ? C’est le scénario proposé par The Outer Worlds, un Action-RPG paru en octobre 2019. A défaut de te proposer un véritable voyage dans l’espace, j’aimerais t’embarquer dans une analyse de ce jeu développé par Obsidian Entertainment. Je vais tâcher d’éviter tout spoiler majeur de l’intrigue. The Outer Worlds est très intéressant, tant grâce à son genre narratif, propice à de nombreuses références, qu’à son genre vidéoludique. (Tu ignores ce qu’est une uchronie ou un jeu rétrofuturiste ? Ce n’est pas grave ! Installe-toi. On va en parler.) Ne nous leurrons pas, le jeu d’Obsidian n’est pas exempt de limites techniques, ce qui ne l’empêche pas de tirer son épingle du jeu grâce à son écriture raffinée.

« Y’a d’la joie, partout, y’a d’la joie ! »

Qu’est-ce que l’uchronie ?

L’intrigue de The Outer Worlds se déroule au XXIVe siècle. Il s’agit d’un futur alternatif dont le point de divergence est l’année 1901. Le Président des États-Unis William McKinley n’est pas assassiné par Leon Czolgosz et Theodore Roosevelt ne lui succède jamais. Les megacorporations prennent suffisamment d’ampleur pour développer des technologies révolutionnaires et envisager de coloniser l’espace. En ce sens, The Outer Worlds est une uchronie. Un événement historique diverge est devient le point de départ d’un récit fictif. On imagine ce qu’il adviendrait si les choses s’étaient déroulées différemment. C’est un ressort régulièrement utilisé dans le domaine du jeu vidéo. Il est impossible de ne pas citer Civilization, dont le but même est de simuler des situations uchroniques. Je n’aurais jamais cru utiliser cet exemple un jour, mais l’on peut aussi mentionner Call of Duty : World at War ou Black Ops. Un mode de jeu suggère d’éliminer des zombies, en supposant qu’ils ont été inventés par un groupe scientifique lié aux nazis, en 1945. La réflexion peut même être poussée plus loin. On peut partir du postulat que l’uchronie concerne non pas une date historique, mais un événement inhérent à l’histoire même du jeu. En ce cas, Life is Strange est uchronique, puisque Max est capable de revenir dans le passé afin de créer des réalités alternatives.

Et le rétrofuturisme ?

Outre son caractère uchronique, The Outer Worlds peut être assimilé au rétrofuturisme. Les œuvres rétrofuturistes se distinguent par une imagerie rétro, s’inspirant grandement des représentations de l’avenir, telles qu’on les imaginait jusqu’aux années 70 voire 80. Cela est combiné à la présence de technologies très futuristes, de manière à maintenir une tension constante entre le passé et le futur. Cet effet de contraste est omniprésent dans The Outer Worlds. Les (nombreux) écrans de chargement sont très révélateurs, dans la mesure où ils dévoilent des affiches de publicité très vintages. Bioshock est aussi une œuvre rétrofuturiste, puisque la ville de Rapture est peuplée d’inventions et de technologies qui n’existaient pas encore dans les années 50. Notons que le rétrofuturisme est souvent utilisé pour dénoncer l’aspect aliénant des nouvelles technologies, et The Outer Worlds ne fait pas exception à la règle !

L’uchronie et le rétrofuturisme sont deux genres qui s’épousent à merveille. Ils ont un impact tant sur l’intrigue, que sur l’atmosphère et l’imagerie du jeu. Cela donne une personnalité unique à l’univers. Au reste, dans The Outer Worlds, ces éléments n’ont rien de hasardeux. Ils dénotent simplement de la volonté de présenter un hommage non dissimulé à la saga Fallout.

De Fallout à Star Wars : KOTOR

Fallout est un exemple populaire d’uchronie et de rétrofuturisme. L’un des points de divergence les plus importants y est le prolongement de la Guerre Froide. Les États-Unis et l’URSS consacrent toute leur énergie et l’ensemble de leurs recherches au conflit. C’est pourquoi l’humanité reste figée dans un cadre culturel propre aux années 50. Ce n’est que dans la deuxième partie du XXIe siècle que l’entreprise Vault Tec voit le jour et invente des abris anti nucléaires, avant que le monde soit en partie dévasté par des bombardements. Même si tu n’as jamais joué à Fallout, tu as probablement déjà aperçu les environnements post-apocalyptiques du jeu, lesquels contrastent avec une imagerie inspirée des années 50. Vault Boy en est un parfait exemple, c’est sans doute pourquoi il est devenu si iconique. Dans The Outer Worlds, la mascotte de l’entreprise Spacer’s Choice n’est pas sans rappeler Vault Boy. Moon Man ne lui ressemble pas physiquement mais il a la même fonction. Il donne une identité propre à une entreprise fictive, afin de rendre l’univers à la fois plus crédible et immersif. Inspiré de l’imagerie des années 50 ou 60, il a pour vocation de marquer les esprits. Les allusions à Fallout ne s’arrêtent pas là. Le gameplay est très similaire. Cela n’est pas si étonnant dans la mesure où Obsidian Entertainment avait travaillé sur Fallout : New Vegas, en 2010. Ainsi, The Outer Worlds dispose d’un écran de personnalisation du personnage, de nombreux PNJs et d’une exploration très libre afin de mener à bien les multiples quêtes annexes. Par dessus-tout, le jeu est un FPS, où il est possible de ralentir le temps, afin de viser les cibles de manière critique. Ce système de combat m’a énormément rappelé Fallout 4.

Enfin, The Outer Worlds permet de se rapprocher des six membres de son équipage, grâce à différentes options de dialogue et à des quêtes personnalisées. Cela rappelle encore Fallout, certes, mais aussi et surtout Star Wars : Knights of the Old Republic. Si tu explores ton vaisseau spatial, l’Imposteur, tu t’apercevras qu’une des cabines abrite un robot hors d’usage. Il faudra remplir certains objectifs avant que Sam ne devienne un membre de l’équipage à part entière. Cette quête m’a énormément fait penser à celle permettant de débloquer HK-47, dans KOTOR. Sans surprise, j’ai découvert qu’Obsidian Entertainement avait travaillé sur Star Wars KOTOR 2. Il est inutile de préciser que cela a été un immense plaisir de retrouver des échantillons de cette saga qui me manque terriblement, dans The Outer Worlds. (Notons que le jeu est souvent comparé à Mass Effect, mais je connais trop peu la saga pour en parler).

Hélas, toutes les planètes ne sont pas accessibles dans le jeu.

Atouts et limites techniques

Bien que The Outer Worlds ne permette pas d’incarner un Jedi, cédant au côté lumineux ou obscur de la force ; les choix ne sont pas sans conséquence. Le jeu dispose d’un système de réputation vis-à-vis des différentes factions de l’univers. Si avoir une réputation positive permet notamment de faire baisser les prix des commerces, une réputation trop négative peut rendre certaines villes hostiles et impossibles à explorer. Tu dois donc faire très attention aux conséquences de tes actes. Par ailleurs, les compétences liées aux dialogues sont aussi importantes, si ce n’est plus, que celles liées au combat. Si tu deviens un fin orateur, ou manipulateur, tu peux tout à fait terminer le jeu sans avoir à affronter les adversaires les plus coriaces.

Au reste, il serait malhonnête de nier les défauts, ou plutôt devrais-je dire les limites techniques du jeu. Bien que la direction artistique soit intéressante, The Outer Worlds n’est pas particulièrement joli. Je n’ai pas l’habitude d’accorder trop d’importance au réalisme ou à la propreté des graphismes, mais la mise en scène elle-même n’a rien de mémorable. J’ai été chagrinée de constater que l’univers dispose d’un bestiaire aussi restreint. Il n’est pas rare de trouver les mêmes créatures, sur des planètes différentes. Mais c’est sa durée de vie qui peut le plus diviser. The Outer Worlds est loin d’être une aventure aussi étendue que Fallout 4, pour ne citer que lui. On fait assez rapidement le tour des différentes planètes, (d’autant que certaines ne sont visitables qu’en acquérant des DLCs). Le jeu est d’autant plus court si on se concentre sur la quête principale. (Ce qui, cela va sans dire, serait une grossière erreur). J’ai malgré tout pris beaucoup de plaisir au cours de ce périple.

L’équipage au grand complet.

La plume est plus forte que le fusil blaster

C’est par son écriture travaillée que The Outer Worlds tire son épingle du jeu. Il n’est pas rare que la richesse des dialogues rende un PNJ plus mémorable qu’il ne devrait l’être. Le jeu dispose d’une ironie et d’un humour noir assez développés. Par dessus-tout, les membres de l’équipage sont relativement attachants. Tu auras la possibilité de recruter Parvati, Max, Félix, Ellie, Sam et Nyoka, au cours de ton aventure. Se rapprocher de Parvati permet de débloquer une quête au bout de laquelle elle peut séduire Junlei, une ingénieure vivant sur le Transporteur. Les dialogues évoquent l’homosexualité et même l’asexualité avec justesse. Dans un tout autre registre, Max est un vicaire peu orthodoxe qui semble tout droit sorti de romans gothiques. On est ici plus dans l’interprétation que dans l’analyse, mais pour demeurer dans les références littéraires, l’analogie faite entre les porcs et les dirigeants de la colonie n’est pas sans rappeler La ferme des animaux, de George Orwell. La question de la lutte des classes est abordée tant par l’histoire de The Outer Worlds, que par la manière dont sont construites les régions et les villes.

« Tous les animaux sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres. »

Tu l’auras compris, il y a énormément à dire sur The Outer Worlds, mais il serait difficile de rentrer dans les détails, sans spoiler. Je ne peux donc que t’inviter à prendre un aller direct pour l’Imposteur, afin de participer à une belle aventure.

Sources

https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_d%27uchronies_dans_les_jeux_vid%C3%A9o

https://www.jeuxvideo.com/news/659902/l-uchronie-dans-les-jeux-video-et-si-l-histoire-s-etait-deroulee-autrement.htm

https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9trofuturisme#%C5%92uvres_de_fiction

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fallout

A la découverte de Dragon Quest XI

Tout commença lorsque le film d’animation Dragon Quest : Your Story fut diffusé sur Netflix. Le long-métrage reprend les grandes lignes du jeu Dragon Quest V, sorti en 1992. Le titre « Your Story » a son importance et en dit long sur la saga. Je ne l’avais pas tout de suite compris. Grande amatrice de la saga Final Fantasy, je n’avais pourtant jamais touché à un seul jeu de sa consœur (également développée par Square Enix) : Dragon Quest. C’était une envie de longue date, galvanisée par ce film et par les circonstances particulières de cette année 2020. J’ai donc acquis le Saint Graal : Dragon Quest XI : Les combattants de la destinée, sur PS4. (Je n’ai découvert, qu’après coup, que la version Switch comportait du contenu exclusif).

Le dernier opus de la saga se joue et se comprend facilement, même si on n’a jamais joué à un Dragon Quest de sa vie. J’en suis la preuve vivante. Toutefois, afin de mieux saisir les références ou les hommages que j’étais susceptible de rencontrer, j’ai décidé de me plonger dans la découverte de deux livres, en parallèle. Le premier est un Mana Books rassemblant plus de 500 illustrations des jeux, réalisées par Akira Toriyama. Le deuxième est « La légende Dragon Quest », rédigé par Daniel Andreyev et édité par Third Editions. Est-il utile de préciser que je conseille le premier ouvrage, véritable délice visuel ? Le deuxième, lui, m’a permis de me familiariser avec les coulisses de la saga et sa progression, au fil des différents épisodes.

Cet article n’a pas la prétention d’analyser Dragon Quest XI sous tous les angles, comme j’ai pu le faire pour d’autres jeux. Il a pour seul but de partager ma découverte et mon expérience personnelles, qui furent grandement positives. Comme Dragon Quest XI regorge de rebondissements très efficaces, je vais éviter de faire des spoilers concernant des points majeurs de l’intrigue.

Je te laisse savourer la cinématique d’ouverture de Dragon Quest XI, avant que nous partions à la conquête du vaste monde entourant le petit village de Caubaltin.

1. « Dragon Quest XI : Your Story » : Un jeu dont tu es le héros

Dragon Quest XI est un épisode particulier. Pour cause, il est sorti en 2017, peu de temps après les 30 ans de la licence. (Le premier Dragon Quest est sorti le 27 mai 1986). Pour mieux appréhender la saga, il faut au moins connaître trois noms : celui de son scénariste et concepteur, Yûji Horii, celui de son compositeur, Kôichi Sugiyama, et celui de son character designer, Akira Toriyama. D’après Daniel Andreyev, « cette trinité d’artistes est l’âme de Dragon Quest, la série fondatrice du RPG japonais, celle qui a créé les clichés d’un style et même des expressions maintenant utilisées couramment. Leur œuvre se résume en trois modestes idées : de l’aventure, de la simplicité, du cœur. »

J’ai été frappée par le fait que le protagoniste n’ait ni nom, ni voix. Tu es libre de le baptiser à ta guise, et il ne répond jamais véritablement aux autres personnages. Tout juste te sera-t-il permis de sélectionner « oui » ou « non », après certaines questions, sans que cela n’ait de réel impact sur la suite des aventures. Il en a toujours été ainsi dans Dragon Quest. Yûji Horii aurait confié la raison suivante : « D’une manière générale, je pense qu’un protagoniste qui s’exprime finit par aliéner le joueur. Il l’incarne comme s’il s’agissait d’une extension de lui-même. Dans ce cas, pourquoi donc cet avatar prendrait-il soudainement la parole ? » Dragon Quest XI n’est pas le seul jeu à utiliser ce procédé, loin s’en faut. J’ai toutefois été déstabilisée par le mutisme du héros, alors que les autres personnages sont très vivants, et que nous connaissons une ère vidéoludique de plus en plus cinématographique. Pourtant, l’argument de Yûji Horii est valable. Il est vrai que l’implication du joueur, dans l’histoire et auprès des différents compagnons, est particulièrement forte. Comme le veut la tradition, on apprend que le protagoniste est un élu, surnommé l’Éclairé.

Le héros de Dragon Quest XI.

2. « Heureux qui comme l’Éclairé, a fait un beau voyage » : Personnages et régions

L’équipe de compagnons est l’un des atouts majeurs de ce onzième opus. J’ai pris énormément de plaisir à apprendre à connaître Erik, un jeune homme moins désinvolte qu’il n’en a l’air. Je me suis tout de suite fait la réflexion que la petite Veronica paraissait trop mature pour son âge, avant de découvrir son secret. Veronica est aussi impulsive que sa sœur, Serena, ne se montre sage. Il n’est pas surprenant que la première ait les talents d’un mage noire, alors que la deuxième est une soigneuse très précieuse. Non seulement les personnages se complètent en terme de compétences, mais aussi en terme de tempéraments et d’intrigues personnelles, au point qu’on vogue de l’un à l’autre, sans jamais laisser une partie de l’équipe, trop longtemps de côté. Notre héros rencontre aussi Sylvando, un homme déluré qui brise tous les clichés de la chevalerie. Mon personnage favori sans doute. L’équipe initiale est finalisée par Jade et le vieux Théo, qui éclaireront (sans mauvais jeu de mots) le héros sur son passé.

Quand on voyage en bonne compagnie, peu importe la destination. D’ailleurs, je n’étais pas pressée de parvenir au dénouement. Les paysages parcourus n’en ont pas moins rendu l’odyssée plus entraînante encore. Le monde de Dragon Quest XI n’est pas entièrement ouvert, car les régions sont cloisonnées. Cela ne t’empêche pas d’errer sur la mappemonde à ta guise, et ce à pieds, en bateau, ou sur différentes montures. Le fil conducteur est relativement bien dosé dans la mesure où l’on sait toujours où aller, sans pour autant être constamment guidé ou tenu par la main. Rien n’empêche de laisser la quête principale en suspens afin de se focaliser sur quelque contenu annexe.

Chaque région et même chaque ville propose un réel dépaysement. Si Gallopolis, la cité des courses hippiques, est très orientale, Gondolia fait énormément penser à Venise, tandis que les habitants de Puerto Valor s’expriment comme les espagnols. La France est mise à l’honneur grâce à l’Académie Notre-Maître des Médailles. Je me suis fortement réjouie de retrouver des références à l’univers Viking et à la mythologie nordique, par l’intermédiaire de Sniflheim et de ses environs…

De gauche à droite : Erik, Sylvando, le Héros, Jade, Veronica et Serena.

3. « Cha-La Head-Cha-La » : Les références

En fait, les références à la mythologie nordique ne s’arrêtent pas là. Le sort de l’univers dépend de l’Arbre de Vie, appelé Yggdrasil. Or, c’est le nom de l’Arbre Monde qui réunirait les différents royaumes de la mythologie nordique. (On peut d’ailleurs arpenter cet arbre dans le dernier opus de God of War.) Cela n’empêche pas Dragon Quest XI de s’inspirer des légendes et du folklore de bien des pays, afin de varier les quêtes ou le bestiaire. Ce bestiaire est un des ingrédients qui m’a rendue amoureuse du jeu. Il est jouissif de voir les différentes créatures vagabonder sur la carte, et de n’aller à leur rencontre que si on souhaite s’entraîner. Chaque région a son propre bestiaire, qui évolue en fonction du moment de la journée ou de la météo. Si ces créatures semblent toutes avoir leur identité propre, c’est parce que le bestiaire est l’une des choses qu’on retrouve au fil des épisodes de la saga. Le monstre le plus connu du jeu est probablement le Gluant. Je n’ai pas été étonnée d’apprendre que Dragon Quest pourrait être une des sources d’inspiration de Pokémon.

Une autre référence sautant aux yeux est l’arrivée du héros, encore bébé, entre les bras de celui qui deviendra son grand-père adoptif. Tout dans la mise en scène, jusqu’à l’apparence du vieillard, m’a fait penser à l’arrivée de Son Goku, dans Dragon Ball. Daniel Andreyev l’a également souligné : « La mise en scène est la même, celui qui devient le père adoptif du héros soulève le bébé dans les airs après l’avoir retrouvé. » Ce n’est pas étonnant dans la mesure où les personnages principaux et les monstres du jeu ont été imaginés par Akira Toriyama, le père de Dragon Ball. C’est en partie pour cela que j’ai tout de suite été séduite par la direction artistique.

Mais les comparaisons ne s’arrêtent pas là. Lorsque l’équipe arrive à l’arène d’Octogonia, elle participe à une sorte de tournoi d’arts martiaux. Certes, l’arrivée d’un orphelin dans une famille adoptive, qui lui apprendra qu’il est spécial, avant qu’il affronte moult péripéties n’est pas un schéma propre à Dragon Ball. Loin s’en faut. En fait, toujours d’après Daniel Andreyev, « c’est aussi l’archétype d’un récit shônen […]. Il ne s’agit pas simplement de s’adresser aux jeunes garçons, c’est un genre qui exalte des valeurs positives comme l’abnégation, l’amitié, le courage, la volonté, où les anciens ennemis deviennent alliés. »

Ajoutons à cela des plaisanteries que d’aucuns pourraient qualifier de vieillottes. Par exemple, on finit par découvrir que Théo, vieux sage de la bande, prend du plaisir en lisant des magasines coquins, en cachette. Il devient rouge de honte lorsque les autres découvrent son secret. Il est impossible de ne pas établir un parallèle avec Tortue Géniale, dans Dragon Ball. Daniel Andreyev y voit « une véritable caricature d’un âge d’or de la pop culture japonaise des années quatre-vingt. » Cet humour teinté de nostalgie rend le jeu d’autant plus bon-enfant.

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4. « I am what I am » : Le cas Sylvando

Daniel Andreyev trouve toutefois cet humour moins inoffensif, lorsqu’il est question de Sylvando. Cette fois-ci, je ne partage pas l’avis de l’auteur de La Légende Dragon Quest. J’ai dit, plus haut, que Sylvando était mon personnage favori, et qu’il brisait les codes de la chevalerie. Cela n’empêche pas le personnage d’être une caricature. Sylvando est très efféminé et maniéré. Il endosse des tenues colorées et ses attaques sont délirantes, sans exception. Certains l’imaginent tout droit sorti de La Cage aux folles… Je conçois que la représentation de Sylvando puisse paraître maladroite, voire homophobe. Mais ce serait sans doute passer à côté des messages implicites véhiculés par le jeu.

En fait, Sylvando m’a énormément fait penser à un des personnages principaux de la série Queer as Folk : Emmett. Les deux personnages paraissent efféminés et insouciants. Pourtant, ils se révèlent être les plus sages et forts de la bande. Certes, le jeu ne dit jamais que Sylvando est homosexuel. Au reste, après un certain événement de l’intrigue, le héros est amené à retrouver Sylvando, qui s’est entouré d’une bande de jeunes hommes, afin d’organiser une sorte de Gay Pride. C’est ça aussi Dragon Quest XI : des rebondissements tous plus surprenants les uns que les autres. Je n’aurais jamais imaginé que je devrais porter un costume à plumes, pour mener une parade rose pimpante, dans un JRPG de fantasy. Personnellement, ça m’a fait beaucoup rire, d’autant que Sylvando anime cette parade pour rendre de la gaieté aux gens. Il n’apparaît jamais comme un personnage faible ou négatif.

Enfin, j’ai trouvé le sous-texte de son cheminement personnel intéressant. Officiellement, Sylvando a peur de revoir son père car il n’est pas devenu un chevalier traditionnel comme lui. Il a préféré aller travailler dans un cirque. Son père finit toutefois par le retrouver avec plaisir et bienveillance. Le joueur peut interpréter cela comme il le souhaite. Notons, pour conclure, qu’il s’appelle Sylvia et se genre au féminin, en japonais. Cette fois, n’est-ce pas l’intention derrière le choix de traduction qui prête à confusion ? Je te laisse seul(e) juge.

Sylvando, cette Diva sublime.

5. « It’s time to get up. Today is a very important day. » : Bilan

Outre la quête initiatique, les personnages flamboyants, les combats au tour par tour, les régions dépaysantes ou encore l’esthétisme inspiré de l’art d’Akira Toriyama, Dragon Quest XI possède une ribambelle de contenus annexes et de mini-jeux. J’ai passé un nombre incalculable d’heures à chercher des tenues permettant de modifier l’apparence de mes personnages, à rassembler des matériaux afin de forger des armes sur la Transforge, ou encore aux Casinos. Or, je ne l’ai pas seulement fait dans l’optique de compléter le jeu à 100%. J’y ai vraiment pris du plaisir. Dragon Quest XI est aussi chronophage qu’addictif. En parlant d’addiction : au vu du nombre de parties de poker que j’ai faites, je crois que, par précaution, je ne mettrai jamais les pieds dans un véritable casino.

L’un des seuls reproches que je pourrais faire au jeu (outre un léger backtracking) est que les musiques semblent trop désuètes. C’est volontaire, malgré tout, pour attiser ce sentiment de nostalgie chez le joueur, en particulier s’il est familier de la licence. Un morceau a toutefois suffisamment attiré mon attention pour que je l’écoute en boucle : Dundrasil Ruins.

La nostalgie, ce n’est pas seulement le réconfort de retrouver quelque chose de familier, c’est aussi la mélancolie que l’on ressent lorsqu’on a le sentiment de perdre quelque chose, ou une époque. La question du temps qui passe au fil des générations, est primordiale dans Dragon Quest XI, même si je ne me risquerai pas à parler de l’intrigue. Je me contenterai de dire que la réflexion est assez méta. En fait, même en découvrant à peine la saga, ce jeu à la fois nostalgique et moderne est parvenu à m’insuffler beaucoup d’émotion et de mélancolie, par la peine qu’inspirent certaines situations, ou par un final en apothéose. J’ai insisté sur l’aspect bon-enfant de Dragon Quest XI, mais il n’empêche pas le jeu d’être une odyssée épique, surprenante, qu’on quitte avec un sentiment d’accomplissement, mais aussi la tristesse d’abandonner des environnements et des personnages grâce auxquels on se sentait chez soi.

Il n’y a que les grands jeux qu’on quitte, avec regret, comme de vieux amis. En l’espace d’un seul épisode, Dragon Quest rejoint le cercle restreint des sagas vidéoludiques qui m’ont le plus marquée, à ce jour.

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